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Photo du rédacteurIgor Robinet-Slansky

24 AOÛT 1572: MASSACRE DE LA SAINT-BARTHÉLÉMY ET GUERRES DE RELIGIONS


Dans la nuit de la Saint-Barthélemy, du 23 au 24 août 1572, à Paris, entre 15 et 30 000 protestants sont massacrés lors d’un des épisodes les plus sanglants de l’histoire de France.


Cette nuit est le point culminant de la période de guerres de religion que traverse la France en cette fin de 16e siècle. Des conflits religieux internes entre les chrétiens réformistes (les protestants) et les chrétiens catholiques, que la reine Catherine de Médicis, veuve du roi Henri II (règne: 1547-59), va tenter d’éradiquer en gouvernant d’une main de fer à travers ses enfants: ses fils François II (règne: 1559-60), Charles IX (r.1560-1574), Henri III (r.1574-89), et sa fille Marguerite de Valois, future reine Margot, intimement liée à la tragédie du 24 août.


Mais que s’est-il réellement passé cette nuit du 23 au 24 août 1572, et quelles sont ces guerres de religions qui sévissent en France? Ainsi, avant de relater les massacres de la Saint-Barthélemy, il faut avant tout en rappeler les origines et celles des conflits religieux.


Tout commence à la Renaissance. A la suite de ses campagnes militaires en Italie -dont la célèbre victoire de Marignan le 10 septembre 1515-, le nouveau roi François 1er rapporte à la cour de France l’idée d’un renouveau culturel tel qu’il se développe depuis la fin du 14e siècle dans les cours italiennes.


Cette Renaissance est une période d’intense créativité artistique, culturelle et même philosophique. On redécouvre les auteurs de l’Antiquité et on développe de nouvelles techniques de peintures (la perspective, la peinture à l’huile qui permet plus de détails etc…). En même temps, le mécénat royal se renforce et le roi s’entoure de nombreux artistes comme Léonard de Vinci qui arrive en France en 1516, ou encore le Titien et les peintres/architectes/sculpteurs le Rosso et le Primatice qui feront la beauté des pièces Renaissance du château de Fontainebleau.


En parallèle de cette créativité artistique, se développe un mouvement littéraire et philosophique fort: l’humanisme. Les rois, comme Henri II qui va régner de 1547 à 1559 avec sa femme Catherine de Médicis et qui succède à son père François 1er, vont s’entourer de poètes et écrivains humanistes comme Pierre de Ronsard ou Joachim du Bellay. Ces humanistes mettent l’Homme au centre de la réflexion philosophique et de la vie, un Homme qui possède son libre-arbitre et qui n’est plus uniquement dépendant du bon vouloir de Dieu.


Et c’est là que tout va commencer. Avec la naissance de l’imprimerie à la fin du 15e siècle, les idées vont se diffuser plus rapidement et plus largement, et le mouvement humaniste va entraîner un mouvement contestataire vis-à-vis de l’Église de Rome. En effet, cette Église catholique qui, depuis 1506, est en train de construire la basilique Saint-Pierre de Rome, a besoin d’argent et n’hésite plus à se faire rétribuer contre le pardon des péchés ou à extorquer de l’argent aux peuples catholiques.


Face aux goûts de luxe et aux pratiques de Rome et de ses représentants, le moine allemand Martin Luther est écœuré. Pour lui, seule l’étude et la lecture de la Bible fait de chacun un bon chrétien. Plus besoin d’un État catholique central: l’Homme est maître de sa conduite religieuse. Les thèses dites «réformistes» de Martin Luther vont alors se diffuser en Europe, renforcées par les échos humanistes dont la population est de plus en plus adepte, notamment l’aristocratie et la bourgeoisie.


En France, beaucoup de grandes villes de l’est et de l’ouest du royaume se sont converties à la Réforme. Dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, des affiches anti-Église Catholique sont placardées dans les principales villes, et même jusque sur la porte du roi François 1er. Ce dernier va alors réagir avec force et répression contre les protestants français, et Jean Calvin, le chef des partisans français de la Réforme, va être exilé en Suisse. Des tribunaux spéciaux, qu’on appelle les «chambres ardentes», sont alors créés pour juger et condamner au bûcher les Réformistes.


Finalement, après la mort de François 1er en 1547, celle de son fils Henri II en 1559, et l’arrivée au pouvoir d’un jeune roi seulement âgé de 10 ans, Charles IX qui va régner de 1560 à 1574 et qui est le deuxième fils d’Henri II et de Catherine de Médicis, la France entre en guerre civile entre Catholiques et Protestants en 1562.

Le déclencheur de cette guerre va être le massacre d’un groupe de protestants orchestré par le duc de Guise qu’il accuse d’avoir fomenté contre lui une tentative d’assassinat. Le duc de Guise va rapidement devenir le représentant des catholiques de France qui n’acceptent pas les réformistes, et il va profiter de la période de régence de Catherine de Médicis et de la faiblesse du pouvoir royal du jeune roi pour s’imposer.

Duc de Guise

Rapidement, aux guerres de religions vont s’ajouter des problématiques géopolitiques, puisque les territoires provinciaux vont en profiter pour remettre en cause la légitimité du pouvoir royal. Pour remédier à cela, Catherine de Médicis, entame une tournée à travers toute la France avec son fils Charles IX entre 1564 et 1566, afin de regagner la confiance du peuple, qu’il soit catholique ou «huguenot» comme on appelle alors les protestants.


Point anecdote : pourquoi dit-on «Huguenot»?

Le terme huguenot, usité dès 1532, vient de l’allemand « eidgenossen » qui peut se traduire par « confédérés, associés dans un même but et pour les mêmes idées », ici les idées réformistes, donc.


Revenons à la tournée de Catherine de Médicis et son fils, le roi Charles IX. Elle sera un succès pour rétablir la légitimité du pouvoir royal, mais les conflits et massacres liés aux différends religieux ne vont pas cesser pour autant.



Gaspard de Coligny

Finalement, le 8 août 1570, la Paix de Saint-Germain-en-Laye est signée entre le roi catholique Charles IX et l’amiral Gaspard de Coligny qui est le représentant des huguenots. Cette paix accorde aux protestants une liberté limitée de pratiquer leur culte dans des lieux précis et dans certaines villes comme la Rochelle, haut lieu du protestantisme. À Paris, la religion réformiste est cependant interdite. Avec ce traité, la paix revient mais les tensions restent vives dans le royaume.


Et le point culminant de ces tensions et de cette période de guerres de religion va avoir lieu à Paris dans la nuit du 23 au 24 août 1572, veille et jour de la Saint-Barthélemy.


Quelques jours auparavant, le 18 août, était organisé le mariage entre Marguerite de Valois, plus connue comme la Reine Margot, fille de Catherine de Médicis -et sœur du roi Charles IX-, avec son cousin Henri de Bourbon, prince de Navarre. Ce mariage entre une princesse catholique et un prince huguenot (protestant) doit symboliquement marquer la réconciliation entre les deux religions. Mais ce mariage orchestré par Catherine de Médicis est contesté par les deux partis, catholique et protestant, comme par le Pape et de nombreux Parisiens très hostiles aux Huguenots.

C’est alors que le 22 août 1572, au Louvre, l’amiral de Coligny, désormais membre du conseil royal et chef du parti protestant et ami d’Henri de Navarre, échappe à une tentative d’assassinat. On va accuser tour à tour le duc de Guise, chef de la ligue catholique parisienne, le roi d’Espagne Philippe II, fervent défenseur de la rigueur catholique qui ne voit pas d’un très bon œil l’infiltration de protestants au sein du pouvoir royal, et surtout Catherine de Médicis qui aurait été méfiante de l’influence grandissante de Coligny sur son fils Charles IX. Cependant, on doute aujourd’hui de sa culpabilité, tant ses efforts pour réconcilier les deux religions ont été grands.


Quoi qu’il en soit, à la suite de cette tentative d’assassinat, les protestants réclament justice. Le roi Charles IX se rend au chevet de l’amiral de Coligny pour calmer les esprits, mais le duc de Guise et ses partisans s’offusquent et feignent de quitter Paris. Seuls avec les protestants, Catherine de Médicis et Charles IX auraient alors réuni un conseil qui aurait débouché sur le choix d’éliminer les chefs protestants. Mais aucune trace de cette décision n’existe vraiment.


Le fait est qu’au soir du 23 août on va faire fermer les portes de Paris et commander au duc de Guise d’armer les bourgeois pour parer à tout soulèvement protestant. Coligny est finalement tué, défenestré, et plusieurs chefs protestants sont également assassinés, notamment devant le Louvre où des nobles protestants qui s’enfuyaient sont tués.


Au cours de la nuit, les massacres ne concernent plus uniquement les chefs mais ils s’étendent à l’ensemble des Huguenots parisiens sans distinction d’âge, de sexe ou de rang social. Les Parisiens, apeurés par les violences qu’ils attribuent à tort aux Protestants, s’attaquent à eux.


Pour inciter la population à faire attention et à se défendre, les Parisiens font sonner le tocsin de l’église Saint-Germain l’Auxerrois. On voit ici que ce ne serait donc a priori pas Catherine de Médicis qui aurait «donné l’alerte». Quoi qu’il en soit, d’autres églises prennent le relais et sonnent le tocsin. Un tocsin qui donne donc le départ de ce qu’on appellera ensuite le massacre de la Saint-Barthélemy.

Les tueries vont ensuite durer plusieurs jours et s’étendre à d’autres villes de France. 15 à 30 000 personnes seront tuées, et ce malgré les appels au calme du roi qui va même, pour calmer les catholiques, jusqu’à reconnaître que la mort de l’amiral de Coligny était nécessaire puisqu’il aurait fomenté une conspiration avec ses partisans. La guerre civile est donc relancée en France.

Le Royaume est donc divisé quand Henri III (règne : 1574-89), troisième fils de Catherine de Médicis, arrive sur le trône. Ce nouveau roi se détache du parti catholique du duc de Guise et signe l’édit de Beaulieu en 1576 qui reconnaît le culte protestant. La Ligue Catholique du duc de Guise, soutenue par l’Espagne, remet alors en cause l’autorité du roi. Paris se rebelle et organise des barricades le 12 mai 1588, forçant le roi à fuir.

Le 23 décembre 1588, le duc de Guise va finalement être assassiné au château de Blois sur ordre du roi Henri III. En représailles, ce dernier sera poignardé au château de Saint-Cloud par le moine dominicain catholique Jacques Clément le 1er août 1589. Lui succède son cousin, Henri de Navarre qui devient Henri IV et qui va régner de 1589 à 1610.


Henri IV est protestant et il ne peut accéder à sa capitale, Paris, qui reste fermement catholique. Finalement, et bien qu’il réussisse à reconquérir plusieurs villes du royaume, il n’a plus d’autres choix que de se convertir au catholicisme. Il abjure ainsi sa foi protestante le 23 juillet 1593 et c’est là qu’il aurait dit sa célèbre phrase «Paris vaut bien une messe», signifiant que pour accéder au trône, il faut en passer par la conversion. Cependant, bien qu’elle soit restée dans la mémoire collective, rien ne prouve qu’il ait prononcée cette phrase. Henri IV est alors sacré Roi de France le 27 février 1594 à la cathédrale Notre-Dame de Chartres. Notez qu’il n’est pas couronné à Reims comme il était de coutume de le faire puisque cette dernière est encore aux mains de la ligue Catholique qui ne lui fait pas totalement confiance.

S’appuyant ensuite sur des partis politiques protestants et catholiques qui lui sont favorables, et à coup de forces militaires, de négociations et de compensations financières, Henri IV met fin aux guerres de religion et réconcilie la nation, notamment grâce à la signature de l’édit de Nantes le 30 avril 1598. L’Edit de Nantes qui reconnait en effet la religion protestante et permet la liberté de conscience religieuse. Les Réformistes sont ainsi satisfaits, même s’il ne sont cependant plus autorisés à accéder à la cour de France ni à sa capitale, Paris. La religion catholique, elle, reste la religion de l’État français, ce qui satisfait donc les Catholiques.


Découvrez aussi l’histoire et ma visite de l’église Saint-Germain l’Auxerrois dans l’article et le podcast dédiés sur ce blog (et les plateformes de podcast habituelles: podcast Les Carnets d’Igor).

Sources

  • «L’Histoire de France» de Aurélien Fayet aux Editions EYROLLES

  • «L’Histoire de France pour les nuls» de Jean-Joseph Julaud, aux éditions FIRST


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