Parmi les récits les plus troublants de l'histoire de Paris, celui du petit homme rouge des Tuileries demeure l'un des plus fascinants. Une légende tenace autour d’un petit personnage vêtu de rouge qui aurait hanté le palais des Tuileries pendant des siècles, annonçant à chaque apparition une fin tragique pour celles et ceux qui croisaient son chemin. Aujourd'hui encore, on se demande si ce fantôme n’hanterait pas toujours les jardins des Tuileries, en lieu et place de l’ancien palais.
À L’ORIGINE DU PETIT HOMME ROUGE DES TUILERIES : CATHERINE DE MÉDICIS
L’histoire débute en 1564, lorsque Catherine de Médicis, alors régente de France en attendant la majorité de son second fils, le jeune roi Charles IX, décide de construire un nouveau palais à quelques pas du Louvre, sur les terrains d’anciennes fabriques de tuiles – qui donneront leur nom au palais puis au jardin des Tuileries.
Mais ce qu’il faut savoir, c’est que dans cette zone, aux côtés des usines de tuiles, se trouve également un abattoir tenu par un certain Jean, surnommé «l'Écorcheur», en raison de son activité. En apprenant qu’on veut le déloger pour bâtir le palais de la reine, ce dernier menace de dévoiler des secrets compromettants s’il n’est pas indemnisé à sa juste valeur pour quitter son commerce. Car il s’avère que le boucher aurait été impliqué dans de sombres affaires pour le compte de la couronne en faisant disparaître les corps de victimes encombrantes.
Cependant, Catherine de Médicis ne l’entend pas de cette oreille. Face au chantage de Jean l’Écorcheur, elle aurait ordonné son assassinat, envoyant l’un de ses hommes de main, le chevalier de Neuville, accomplir cette besogne macabre.
ET LE FANTÔME DU PETIT HOMME ROUGE DES TUILERIES APPARUT
Et c’est là que la réalité se mêle à l’imaginaire. Peu après cet assassinat, la légende raconte en effet que Jean l’Écorcheur, vêtu de rouge et baignant dans son sang, serait réapparu sous forme de spectre, hantant le chevalier qui l'avait tué.
On dit qu’il serait réapparu plusieurs fois au cours des années suivantes, jusqu’à cette nuit de 1571, où le fantôme aurait également rendu visite à l’astrologue de la reine, Côme Ruggieri, annonçant que les Tuileries seraient le théâtre de la chute de la souveraine. Selon ses dires, «Saint-Germain verrait la fin de la reine», mais aussi celle de la dynastie des Valois. Une prédiction énigmatique qui ne peut que terroriser Catherine de Médicis, superstitieuse et adepte des sciences occultes.
Convaincue de la véracité de cette malédiction, elle décide de stopper les travaux de son château des Tuileries et d’éviter celui du Louvre pour la simple et bonne raison que ces deux palais dépendent de la paroisse de Saint-Germain-L’auxerrois et sont trop proches, selon elle, de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
C’est ainsi qu’en 1572, espérant échapper à son destin, elle choisit de s’installer dans un hôtel particulier situé en lieu et place de l’actuelle bourse du Commerce, l’hôtel d’Albret, qu’elle agrandit et qui devient rapidement l'hôtel de la Reine – on peut encore voir, sur le côté de la bourse, une colonne, vestige de cet ancien hôtel royal (on dit d’ailleurs que c’est en haut de cette colonne que Catherine de Médicis consultait ses astrologues). Elle se sent désormais plus en sécurité dans cette nouvelle résidence qui dépend de la paroisse de Saint-Eustache.
LE PETIT HOMME ROUGE DES TUILERIES AVAIT-IL RAISON ?
Quoi que Catherine de Médicis ait décidé de faire, il semble que le sort ait choisi de la rattraper. Nous sommes au début de l’année 1589 au château de Blois, où la reine réside avec la cour depuis la convocation des États Généraux par son fils, le roi Henri III, le 16 octobre 1588. L’hiver est froid et humide, et dans les courants d’air de ce grand château, Catherine de Médicis, âgée de 69 ans, finit par tomber malade.
Alors que sa santé se dégrade rapidement, la reine, qui sent sa fin toute proche, demande à voir un confesseur. Lorsque le prêtre arrive pour lui donner les derniers sacrements, elle lui demande naturellement son nom. Ce à quoi il répond : «Julien de Saint-Germain». Horrifiée, Catherine de Médicis succombe à une pleurésie et meurt ce même jour, le 5 janvier 1589. Le fantôme avait-il vu juste? Quoi qu’il en soit, la reine est bel et bien décédée en présence d’un dénommé Saint-Germain, et quelques mois plus tard, Henri III, son fils, sera assassiné sans descendance le 1er août 1589, et avec lui s’éteindra bien la dynastie régnante des Valois.
LE FANTÔME DU PETIT HOMME ROUGE DES TUILERIES HANTE-T-IL TOUJOURS PARIS ?
Mais l’histoire ne s'arrête pas là. Le mystérieux petit homme rouge des Tuileries ne s’est pas contenté de tourmenter Catherine de Médicis. Il serait apparu à de nombreuses reprises à travers les siècles, chaque fois comme un funeste présage.
Ainsi, le 13 mai 1610, la veille de l’assassinat d’Henri IV par Ravaillac, il aurait été vu errant dans les couloirs du palais. Plus tard, Marie-Antoinette aurait elle aussi croisé son chemin, juste avant que la Révolution ne balaie la monarchie en 1792. Et Napoléon Bonaparte, célèbre pour son pragmatisme, aurait confié à ses proches qu’il avait aperçu cette silhouette rouge quelques jours avant sa défaite à Waterloo.
La dernière apparition attestée du petit homme rouge aurait eu lieu lors de l'incendie des Tuileries en 1871, alors que les flammes dévoraient le palais pendant la Commune de Paris. Des témoins affirment en effet avoir vu une silhouette rouge danser dans le brasier avant de disparaître à jamais dans une spirale de fumée, emportant avec elle le palais et son lot de mystères.
Aujourd’hui, bien que le Palais des Tuileries ait disparu, rasé à la fin du 19e siècle, certains se demandent si le Petit Homme Rouge n’hanterait pas toujours les jardins. On raconte que par certaines nuits, on pourrait effectivement apercevoir une ombre écarlate se faufiler entre les arbres, avertissant ceux qui la croiseraient d’un malheur imminent.
Alors, mythe ou réalité ? Le Petit Homme Rouge des Tuileries continue de semer le doute et d’attiser l’imagination des Parisiens, défiant les siècles et les esprits rationnels. Peut-être que le prochain à le voir saura enfin percer son mystère… mais à quel prix?
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