L’opéra Garnier est un lieu majestueux, dont l’architecture et les décors, mélanges parfois subtils, parfois excessifs, de matériaux polychromes précieux (marbre, onyx) ou modernes (fer, fonte), comme de styles du passé (antique, Renaissance, baroque, néo-classique), semblent avoir été conçus avec la plus grande précision par l’architecte Charles Garnier (1825-1898).
Emblématique du Paris de Second Empire (1852-70), le nouvel opéra commandé par Napoléon III en 1861 doit assoir la modernité et la grandeur de la France, dans une capitale transformée par les grands travaux réalisés à la demande de l’empereur par le préfet de la Seine, le célèbre Baron Haussmann.
Mais savez-vous que ce chef-d’œuvre du 19e siècle, à l’allure si harmonieuse dans son éclectisme, cache en réalité un défaut de fabrication? Ou, si on veut être précis, un défaut de finitions?
Pour s’en rendre compte, dirigeons-nous vers le Grand Foyer, cette galerie monumentale de 54 mètres de long, 13 de large et 18 de haut, impressionnante de dorures, de boiseries sculptées et de peintures. Ici, à l’entracte comme avant et après la représentation, les spectateurs se retrouvent pour des mondanités autour d’un ou plusieurs verres. À chaque extrémité du Grand Foyer ont été prévus deux salons qui nous intéressent plus particulièrement: le salon du Soleil (situé à droite quand on est dos à la loggia, cette terrasse qui ouvre sur l’avenue de l’opéra) et le Salon de la Lune (à gauche).
Ces salons devaient servir de vestibules au Fumoir et au restaurant-Glacier qui se trouvent de part et d’autres du Grand Foyer: le salon du Soleil, qui représente le feu, la chaleur, devait ainsi accueillir le vestibule du fumoir, où l’on pouvait se retrouver pour échanger autour d’un cigare; le salon de la Lune, plus froide et rafraîchissante, devait servir de vestibule au Glacier où étaient servis cocktails et sorbets.
Cependant, la suspension des travaux de l’opéra avec la chute du Second Empire en 1870, entraîne un retard du chantier. Si les extérieurs gardent les traces de l’empire (chiffres de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie sur la façade, aigles impériaux au-dessus des coupoles et au niveau de l’actuelle entrée des Abonnés -prévue pour être celle de l’empereur), la toute nouvelle 3e République va exiger que les décors intérieurs soient finalisés sans aucun signe impérial.
Charles Garnier va ainsi reprendre son travail et accélérer les finitions de son œuvre afin d’être prêt pour l’inauguration du 6 janvier 1875 en présence du président de la République, Patrice de Mac Mahon (1808-1893).
C’est alors que, réalisés à la hâte, les décors des salons du Soleil et de la Lune vont être inversés. Les symboles solaires, dorés et chaleureux vont se retrouver du côté du Glacier; les décors nocturnes, argentés et plus froids vont s’imposer côté fumoir.
Une erreur qui ne sera jamais réparée mais qui n’enlève rien à la beauté de ces deux espaces. Si vous visiter l’Opéra Garnier (ce que je vous recommande), prenez-le temps d’y passer car les jeux de miroirs colorés qui réfléchissent une lumière or du côté soleil, et la lumière blanche et les glaces argent du côté lune, vous plongent immédiatement dans un univers magique et hors du temps.
Pour en savoir plus sur l’Opéra de Paris, rendez-vous dans l’article et le podcast de ce blog, où je relate son histoire et la visite que j’en ai faite.
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