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Photo du rédacteurIgor Robinet-Slansky

EN PASSANT PAR BORDEAUX


Le Bordeaux actuel est le fruit d’une histoire séculaire dont le tracé de la ville, comme son architecture, témoignent encore aujourd’hui.


C’est sur la rive gauche de la Garonne qu’au 3e siècle av. J.C. que le peuple celte des Bituriges Vivisques fondent Burdigala («à l’abri des marais» en celte). Ils sont à l’origine des premières vignes de la région. Bordeaux et le vin, c’est donc une histoire millénaire! C’est d’ailleurs le commerce de ce vin qui va faire la prospérité de Burdigala lorsqu’au début du 1er millénaire, les Romains succèdent aux Celtes. Au niveau de l’actuel quartier Saint-Pierre, le castrum romain, soit la ville fortifiée, accueille déjà 20 000 habitants. Des fortifications qui vont s’élargir et se renforcer pour protéger la cité des invasions.


Mais lorsque l’Empire Romain décline et chute en 476, Bordeaux est envahie à plusieurs reprises et se dégrade. La ville se christianise et les principales églises de la ville sont érigées au cœur de nouveaux quartiers, comme l’église Saint-Pierre, créée dès les années 500/600 (elle sera reconstruite aux 14e et 15e siècles), et la cathédrale Saint-André, inaugurée en 1096. D’autres suivront au cours des siècles suivants, de la basilique Saint-Michel au 14e siècle aux églises Saint-Éloi (15e) et Saint-Paul (17e), ou encore à l’église Notre-Dame (ancienne Saint-Dominique) bâtie dans un style baroque à la fin du 17e.

Revenons au 12e siècle. À la mort du duc d’Aquitaine Guillaume X en 1137, l’histoire de Bordeaux va prendre un nouveau tournant. Sa fille Aliénor, héritière du duché, épouse d’abord le roi de France Louis VII (1120-1180) qui, par son mariage, ajoute ainsi une grande partie des régions du sud-ouest, jusqu’alors indépendantes, à son royaume. L’Aquitaine reste cependant propriété personnelle de sa femme. Mais après une deuxième croisade (1146-49) désastreuse, le couple royal, qui ne s’entend plus, est au bord de la rupture. Après la naissance de leurs deux filles, sans héritier mâle à l’horizon, Louis VII demande et obtient auprès du Pape la dissolution de leur mariage en mars 1152.

Aliénor n’est cependant pas en reste. En mai, la toujours duchesse d’Aquitaine, épouse Henri Plantagenêt, comte d’Anjou, duc de Normandie et prétendant au trône d’Angleterre. Il devient roi en 1154, et Aliénor, reine. Bordeaux, comme l’Aquitaine, deviennent anglais. Le commerce maritime reprend et la ville prospère de nouveau. Désignée capitale de la Guyenne (ancienne région comprenant l’Aquitaine et une partie de l’Occitanie), Bordeaux est gouvernée par des Jurats, les maires de la ville -parmi lesquels Montaigne-, qui résident à partir du 15e siècle dans l’ancien hôtel de ville dont le beffroi (ancienne porte Saint-Eloi), nommé la Grosse Cloche, est un vestige -et un emblème bordelais- toujours visible aujourd’hui.

Pendant la Guerre de Cent ans (1337-1453), Bordeaux passe de la domination anglaise aux mains des Français. Le roi de France Charles VII (règne 1422-1461) engage alors l’édification de nouvelles fortifications comme le Fort de Hâ (toujours visible) ou le château Trompette (disparu), pour surveiller les Bordelais considérés encore trop insoumis. La jacquerie des Pitauds, qui éclate face à l’augmentation des impôts au 16e siècle, sera ainsi réprimée dans le sang.


C'est aussi au 15e siècle que la célèbre tour Pey-Berland est construite à la demande de l'archevêque Pey Berland (elle ne prendra son nom qu'en 1866). Il s'agit de doter la cathédrale Saint-André d'un clocher avec sa cloche et son bourdon. Mais dans ce terrain marécageux, la crainte que le poids des cloches ne soit trop lourd pour la cathédrale et qu'elle s'effondre à pousser la création de cette tour quelques mètres à l'écart. Notre-Dame d’Aquitaine trône au sommet. Sur la place du Palais des ducs d'Aquitaine -palais bâti à partir du 11e siècle-, une nouvelle porte, la porte Cailhau, est érigée en l'honneur du nouveau roi Charles VIII (règne 1583-1498). C'est l'une des deux portes médiévales encore visibles aujourd'hui à Bordeaux.


C’est finalement avec Colbert, sous le règne de Louis XIV (1643-1715) que Bordeaux retrouve sa digne position. Son port devient le deuxième d’Europe avec la reprise du commerce maritime, notamment du vin ou des produits en provenance des Antilles, mais aussi le lucratif commerce triangulaire (le tristement célèbre commerce d’esclaves).


La ville, aux aspects médiévaux encore très présents, se dote ensuite d’un nouveau visage sous l’impulsion des intendants du roi Louis XV (règne 1715-74) à Bordeaux, Claude Boucher (1673-1752) et Louis-Urbain de Tourny (1695-1760). Les remparts sont détruits, on aménage des places dégagées -comme la place Royale qui deviendra la place de la Liberté à la Révolution, et en 1848 l'actuelle place de la Bourse-, des jardins, des grandes artères (les cours), de nouvelles portes sont érigées (Portes de Bourgogne et d’Aquitaine): c’est le tracé du Bordeaux que nous pouvons visiter aujourd’hui.

Lors de la Révolution, Bordeaux est le quartier général des Girondins, un groupe de députés issus du parti politique des patriotes, influents à l’Assemblée nationale et originaires pour beaucoup de Gironde (d’où leur surnom). Révolutionnaires plus modérés (certains ont été membres des gouvernements de Louis XVI), ils s’opposent aux Montagnards plus radicaux. Les Girondins seront décimés sous la Terreur, cette période de radicalisation de la Révolution entre fin 1792 et 1795. Érigé dans les années 1890, sous la 3e République, en hommage aux députés girondins de la révolution, le monument aux Girondins est trône toujours sur la place des Quinconces.

Sous Napoléon 1er , puis tout au long du 19e siècle, Bordeaux se modernise, portée par la révolution industrielle et la croissance exponentielle du commerce du vin: le château Trompette est détruit pour créer une promenade dégagée, la place des Quinconces (les arbres y sont placés en quinconces); de nouveaux ponts, comme le pont de Pierre, sont bâtis pour étendre la ville sur sa rive droite; de nouveaux quartiers, sur les quais, émergent pour accueillir les riches demeures des négociants en vin (Bassins à flot, Chartrons), comme les nombreux ouvriers (Bacalan) attirés par l’essor économique de la ville. C’est la période où en périphérie du centre historique, se multiplient les constructions des échoppes, ces maisons ouvrières entre rue et jardin typiquement bordelaises. En 1836, le palais de Rohan, élevé au 18e siècle pour l'archevêque Maximilien Mériadec de Rohan, devient l'Hôtel de Ville de Bordeaux -fonction qu'il occupe toujours.

Sous le Second Empire de Napoléon III (1852-1870), le développement du train attire les touristes fortunés au bassin d’Arcachon et à Bordeaux, et en 1855, le premier classement des crus de Bordeaux est établi, inaugurant le classement général des vins français que nous connaissons encore aujourd’hui, et faisant de la ville la capitale du vin.


Bordeaux a continué à s’étendre au 20e et au 21e siècle, gagnant de nouveaux quartiers, Art Nouveau et Art Déco d’abord (Sainte-Croix, Saint-Jean, Palais des Sports, Bourse du Travail…), ou plus contemporains ensuite (Gambetta, Mériadeck; la rive droite…). L’art et l’architecture contemporaine, comme le street art y ont leur place aux côtés des quartiers plus historiques. Chaque bâtiment, place ou quartier raconte ainsi un pan de la vie séculaire de la belle ville de Bordeaux que je vous invite à explorer.


SOURCES

  • « Un Grand week-end à Bordeaux » aux éditions Hachette.

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