Rendez-vous à Poissy, dans les Yvelines (78), à 30 kilomètres de Paris, où la Villa Savoye accueille une exposition inédite : « Natures intérieures » du 15 novembre 2024 au 2 mars 2025. Chef-d’œuvre moderniste de l’architecte Le Corbusier, cette villa atypique devient ici le cadre idéal d’une rencontre poétique entre design contemporain et nature.
Née d’une collaboration entre le Centre des monuments nationaux (CMN) et le Centre national des arts plastiques (Cnap), « Natures intérieures » explore la relation entre architecture et nature à travers une trentaine d’œuvres de design issues de la collection du Cnap - qui compte au total près de 110 000 œuvres.
Sous le commissariat de Céline Saraiva, conservatrice en charge de la collection Arts décoratifs, design et métiers d’art, l’événement propose une véritable « promenade artistique » au cœur de la Villa Savoye, en harmonie avec l’esprit corbuséen. Au sein des différentes pièces de la maison, chaque œuvre contemporaine dialogue avec la lumière, les volumes et les espaces conçus par Le Corbusier et rend hommage à sa philosophie d’intégration de la nature dans l’architecture du quotidien.
LA VILLA SAVOYE : ICÔNE MODERNISTE DE LE CORBUSIER
Œuvre iconique du célèbre architecte franco-suisse Charles-Édouard Jeanneret-Gris, dit Le Corbusier, la Villa Savoye est commandée en 1928 par Eugénie et Pierre Savoye, un couple de riches administrateurs qui cherchent une résidence familiale pour passer ses week-ends à la campagne.
Construite entre 1929 et 1931, elle incarne les 5 principes de l'architecture moderne:
1.Les pilotis: La maison est surélevée sur des pilotis en béton, libérant le sol pour le jardin et permettant une meilleure circulation de l'air.
2.Le toit-terrasse: Un toit plat utilisé comme espace de vie supplémentaire, avec un jardin sur le toit.
3.Le plan libre: Les murs intérieurs ne sont pas porteurs (grâce au système de pilotis), permettant une flexibilité maximale dans la disposition des pièces.
4.La façade libre: La façade est indépendante de la structure, offrant une liberté dans la conception et l’ouverture des fenêtres.
5.La fenêtre en bandeau: De longues bandes de fenêtres pour maximiser la lumière naturelle.
La Villa Savoye se distingue par son esthétique minimaliste et ses formes géométriques pures. Les façades blanches et lisses contrastent avec le vert environnant, créant un dialogue harmonieux entre la construction et la nature. L’intérieur, ouvert et aéré, est ainsi conçu pour offrir un maximum de confort et de fonctionnalité, tout en mettant en avant la relation entre les espaces intérieurs et extérieurs.
Parmi les éléments notables qui illustrent bien la philosophie corbuséenne, la rampe intérieure, qui relie le rez-de-chaussée au toit-terrasse, est conçue pour offrir une promenade architecturale fluide qui permet de contempler l’espace et son environnement sous divers angles.
Abandonnée après la Seconde Guerre mondiale, la Villa Savoye est menacée de démolition dans les années 1950. Sauvée grâce à l'intervention d'architectes et d'historiens de l'art, elle est classée monument historique en 1965, et des travaux de restauration sont lancés pour restituer son état original.
Aujourd'hui, la Villa Savoye est un musée géré par le Centre des monuments nationaux et accueille des visiteurs du monde entier. Si vous ne le connaissez pas, je vous invite à explorer ce chef-d’œuvre de l'architecture moderniste, emblématique de l'esthétique de Le Corbusier.
EXPLORER LES « NATURES INTÉRIEURES » DE LA VILLA SAVOYE
Tout au long du parcours de visite, l’exposition « Natures intérieures » met en avant des pièces emblématiques de designers contemporains inspirées des formes du vivant - végétales, minérales et animales. La scénographie invite également les visiteurs à une exploration sensorielle des volumes et des perspectives offertes par la villa.
LE REZ-DE-CHAUSSÉE
Au rez-de-chaussée, dans le vestibule d’entrée, sont exposés deux œuvres.
Le fauteuil de Shiro Kuramata intitulé « Miss Blanche » (1988-1989), d’abord, inspiré par le personnage de Blanche Dubois dans « Un Tramway nommé désir » de Tennesse Williams et qui, par l’inclusion de roses rouges dans de la résine, immortalise l’artifice de la beauté.
Puis, l’installation lumineuse nommée ‘Galet’ (2018-21) de Sylvain Rieu-Piquet pour la maison Ymer & Malta, inspiré des galets et luminaires du designer japonais Isamu Noguchi (1904-1988).
L’ÉTAGE DE LA VILLA SAVOYE
A l’étage, d’abord, on observe une collection « d’objets à réaction poétique », comme les appelait Le Corbusier qui étudiait ces objets issus de la nature (galets, coquillages, pommes de pin…) pour en révéler toute la poésie et l’inspiration.
LE SALON
Dans le salon, un objet hirsute interpelle : c’est la cabane primitive « Cabana » (2010-2014) créée par Fernando et Humberto Campana, une oca – hutte brésilienne traditionnelle – à la figure anthropomorphique.
A ses côtes, une œuvre imaginée par le designer français Olivier Gagnère en 1983 : un banc en aluminium damassé, inspiré des moteurs des anciennes Bugatti, greffé d’un tronc de citronnier qui lui sert de pied.
On remarque aussi, sur la cheminée, le service à thé « Silver & wood » (1997) de l’Italien Andrea Branzi, issu de sa collection « Animali domestici » qui mélange l’industrie et la nature, les matériaux nobles – comme l’argent – et les matières premières plus simples – comme le bois de bouleau.
Plus loin, toujours dans le salon, les œuvres du designer François Azalbourg s’aligne sous les fenêtres, comme la série de vases en verre soufflé « Douglas » (2009), tous différents mais appartenant à une même série produite au Centre international d’art verrier (Ciav) de Meisenthal, en Alsace ; ou le tapis « Grappe » (2001), composé de douze cercles verts reliés entre eux et modulables.
Enfin, sur la porte vitrée donnant sur la terrasse, « Algues » (2004), l’œuvre des frères Ronan et Erwan Bouroullec, imite les motifs organiques des végétaux marins qui prennent un sens hautement graphique ici.
LA CUISINE
Dans la cuisine de la villa, s’expose d’abord le sublime service « Étrange végétation » (1992) d’Elisabeth Garouste et Mattia Bonetti, qui figure une nature mutante et quasi surréaliste.
Dans un esprit toujours fantaisiste, les assiettes « Bowl with rabbit » et « Bowl with snail » (2004) d’Hella Jongerius, réalisées par la manufacture de porcelaine de Nymphenburg en Allemagne, évoquent un lapin et un escargot inspirés des archives de cette fabrique historique.
Enfin, le purificateur d’air naturel, « Andrea » (2009) de Mathieu Lehanneur, allie design, science et nature pour améliorer la qualité de l’air intérieur.
LA CHAMBRE ET LA SALLE DE BAIN DES MAÎTRES
La grande chambre du couple Savoye, et son étonnante salle de bain, accueillent la lampe ‘Morning mist’ (2011), créée par Benjamin Graindorge pour la maison Ymer & Malta. Ses formes poétiques évoquent les gouttelettes de la brume du matin et invitent à la rêverie.
De la même façon, le « Sponge vase » (1997) et le « Coryza » (2001) de Marcel Wanders s’inspirent de la nature qu’ils réinterprètent par l’usage de techniques de pointe.
Devant la baignoire, le siège « Dos à dos » (1968) de Pierre Paulin, revisite, lui, le confident du 19e siècle dans un design à la fois organique et coloré.
Enfin, la console « Arc-en-ciel » (1988) d’Elisabeth Garouste et Mattia Bonetti repense le chiffonnier du 18e siècle dans un style ultra contemporain et anticonformiste.
LE BOUDOIR
À l’abri de ses murs bleu profond, le boudoir de la villa présente l’étonnant radiateur « Heat » (2011) imaginé par le studio 5.5 Designers, qui donne à cet appareil fonctionnel une silhouette hautement esthétique.
La table fantaisiste « Papilio » (1985-2004) d’Alessandro Mendini, le vase organique et sculptural « Blossoms » (2004) de Wieki Sommers, et le fauteuil hybride « Antibodi » (1985-2004) de Patricia Urquiola, illustrent ces liens entre artisanat, industrie et nature.
LES CHAMBRES D’AMIS ET DU FILS
La visite de l’exposition se finit par les deux autres chambres de la villa : la chambre d’amis et la chambre du fils Savoye.
Dans la première, la chambre d’amis, le « Jardin sec » (2019) de Sylvain Rieu-Piquet séduit avec les formes organiques de vases réalisés en céramique, tandis que le fauteuil « Bamboo Study III – natural » (2019) du Studio Mumbai révèle une structure inspirée des tazias, ces tombeaux en bambou utilisés lors des cérémonies religieuses en Inde.
De son côté, la chambre du fils met en avant le travail de Mathieu Lehanneur, avec le banc « Domestic forest » (2019). Modelé numériquement, ce ‘faux-tronc’ en lamellé-collé paraît réel. Pourtant, il est le résultat de transformations mécaniques apportées à un tronc d’arbre naturel.
Il est mis en regard du porte-manteau en hêtre verni « Sciangai » (1973/2003) de De Pas, D’Urbino et Lomazzi.
Dans la partie bureau de cette même chambre, c’est le talent du studio Brichet ZSiegler qui s’impose aux visiteurs avec le tabouret « Vent Contraire Lignes » (2015), entièrement fabriqué artisanalement et qui semblent comme en mouvement constant.
En choisissant la Villa Savoye comme écrin pour cette exposition, le Cnap et le Centre des Monuments Nationaux célèbrent la fusion entre design, art et architecture, tout en rendant hommage à l'idée corbuséenne d’une architecture ouverte sur son environnement.
MON AVIS
Je connaissais la Villa Savoye, mais ici, l’intégration des œuvres contemporaines de l’exposition «Natures intérieures» dans les pièces vides de cette maison moderne est une brillante idée. Si cette visite atypique est accessible à tous, je la recommande en particulier aux amateurs de design et d’architecture qui trouveront ici une rencontre unique entre le patrimoine moderne et les créations contemporaines.
Et au-delà de la fabuleuse sélection d’œuvres présentées, l’exposition est surtout l’occasion de (re)découvrir la Villa Savoye et le modernisme de Le Corbusier sous un nouveau regard.
INFORMATIONS PRATIQUES
Quoi ? Exposition "Natures intérieures"
Quand ? Du 15 novembre 2024 au 2 mars 2025
Tous les jours sauf le lundi de 10h à 17h (jusqu’à 18h entre le 2 mai et le 31 août)
Où ? Villa Savoye, 82 rue de Villiers, 78300 Poissy.
Gare de Poisy accessible en train (ligne J depuis Paris Saint-Lazare) ou RER A.
La villa se situe à 20 minutes à pieds.
Des bus (lignes 50 et 51) sont aussi disponibles.
Combien ? Tarif plein : 9€
Plus d’informations sur le site de la Villa Savoye hébergé par le Cmn, mais aussi sur le site du Cnap.
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