Suivez-moi à l’École des Arts Joailliers de Paris pour découvrir sa dernière exposition passionnante : « Paris, Capitale de la Perle », présentée du 21 novembre 2024 au 23 mars 2025. Une exposition qui ne peut qu’émerveiller les visiteurs, novices ou connaisseurs, tant la concentration de bijoux exceptionnels exposés est inédite.
Nous sommes ici dans l’un des plus anciens hôtels particuliers encore conservés dans le quartier des Grands Boulevards, l’Hôtel Mercy-Argenteau, où vécu le célèbre comte Florimond de Mercy-Argenteau (1727-94), ambassadeur d’Autriche et diplomate, instigateur du mariage du futur Louis XVI avec l’archiduchesse Marie-Antoinette.
Avec « Paris, capitale de la perle », l’École des Arts Joailliers, fondée en 2012 et soutenue par Van Cleef & Arpels, explore une facette méconnue de l’histoire parisienne et joaillière : l’âge d’or de la perle. Ce voyage débute à la fin du 19e siècle, alors que Paris devient la plaque tournante d’un commerce florissant de perles fines provenant du golfe Arabo-Persique. Durant près de 70 ans, jusque dans les années 1930, ces gemmes précieuses, issues des eaux chaudes du Golfe, transitent par des routes terrestres et maritimes jusqu’à Paris où elles sont sublimées par les plus grands joailliers de la Place Vendôme.
Ponctuée de nombreux trésors joaillers, le parcours de l’exposition retrace cette épopée extraordinaire, tissée d’échanges commerciaux, de créations artistiques et de rencontres interculturelles, qui feront de la perle un symbole des Années folles et en élément clé du luxe parisien.
« PARIS, CAPITALE DE LA PERLE » : UN PARCOURS EN SIX CHAPITRES
L’exposition se déploie en six sections distinctes, offrant une approche chronologique, historique et artistique de cette saga perlière.
1. LA PERLE ET SES SECRETS
Le voyage commence par une introduction gemmologique où le visiteur découvre les mystères de la formation des perles. À travers des exemples de mollusques bivalves exotiques (huîtres, moules…), cette section explore les différentes typologies de perles — fines, de culture, d’eau douce et d’eau de mer — et dévoile les critères utilisés pour évaluer leur qualité : lustre, couleur, taille et forme.
Point anecdote : perles fines, de culture ou d’imitation, quelles différences ?
En joaillerie, on parle souvent de perles fines, de perles de culture ou encore de perles d’imitation. Leur distinction est simple : si la perle fine est formée naturellement, sans une quelconque manipulation humaine, la perle de culture, elle, est produite par l’intervention de l’homme qui introduit un corps étranger (morceau d’un autre mollusque) dans la chair du coquillage. Pour se défendre, ce dernier va produire de la nacre autour de ce corps inconnu. Quant à la perle d’imitation, son nom parle de lui-même : elle n’a rien à voir avec les coquillages et peut-être fabriquée en verre laqué d’écailles de poisson, en céramique ou en plastique.
Notez qu’on pense souvent que les perles ne naissent que dans les huîtres. Or d’autres mollusques en créent, comme les moules d’eau douce. En revanche, il faut savoir que seule une huître sur cent produit une perle, et que sur ces perles, seule une sur cent est exploitable en joaillerie (taille, harmonie, qualités…). Les plus belles proviennent des eaux marines des régions chaudes
Point anecdote : un grain de sable à l’origine des perles ?
Il est un mythe qui dure depuis des siècles : celui que l’introduction d’un grain de sable dans une huître ou un coquillage bivalve permettrait de donner naissance à une magnifique perle. Mais il n’en est rien ! Contrairement à la légende, les perles se formeraient plutôt suite à l’introduction d’un virus qui ferait ‘saliver’ de la nacre au coquillage.
2. ORIENT DE PERLES ET PERLES D’ORIENT
Plongez dans l’histoire des perles du Golfe Arabo-Persique, une région d'exception reconnue depuis la Renaissance pour ses huîtres perlières. L’esthétique orientaliste du 19e siècle a largement célébré ces trésors, des opéras aux peintures – on observe ici le tableau « Leila dansant au bord de l’eau » de Giuseppe Barberis, reprenant une scène de l’opéra « Les Pêcheurs de Perles » de Georges Bizet, créé en 1863.
3. AUTOUR DE 1900 : LA CONQUÊTE D’UN MARCHÉ
Au début du 20e siècle, en pleine Belle Époque (fin 19e – Première guerre mondiale), les joailliers parisiens de la rue de la Paix et de la place Vendôme se disputent les perles fines les plus rares et les plus belles qu’ils associent au platine et aux diamants pour créer des bijoux d’exception, d’un luxe et d’un raffinement inédits : collier, diadèmes, bracelets, montres, broches… Leurs clients ? Les riches industriels, l’aristocratie, mais aussi celles qu’on appelle les Grandes Horizontales, ces courtisanes qui, à l’image de Liane de Pougy ou Caroline Otero (dite la Belle Otero), se font entretenir par le plus grandes fortunes européennes.
Cette section met ainsi en lumière la montée en puissance des grandes maisons de joaillerie parisiennes, telles que Cartier, Van Cleef & Arpels et Boucheron, mais aussi les bijoux des emblématiques René Lalique, Paul et Henri Vever, et Georges Fouquet, qui se démarquent avec des créations originales, inspirées des formes d’Extrême-Orient et de la nature. Un style que l’on qualifiera plus tard d’Art Nouveau et qui intègre avec créativité les perles dites baroques, plus irrégulières.
4. LA PERLE, SYMBOLE DE MODERNITÉ DANS LES ANNEÉS 1910
Les années 1910 marquent le point culminant du commerce perlier parisien, même si cette période reste surtout marquée, dans la mémoire collective, par l’essor des mouvements artistiques européens de l’Art Nouveau puis de l’Art Déco. La créativité autour de la perle est alors à son apogée, notamment à travers un groupe de jeunes artistes dandys surnommés "les Chevaliers du bracelet", qui la célèbrent dans leurs créations parfois extravagantes.
Cette décennie voit également l’essor des frères Rosenthal, pionniers du négoce de perles, qui dominent le marché grâce à leurs échanges avec le Bahreïn. En parallèle, à partir de 1912, Jacques Cartier, figure emblématique de la joaillerie, renforce ces relations commerciales en se rendant personnellement dans le Golfe, où il est reçu avec les honneurs.
La demande pour les perles, qui atteint des sommets en France, explose aux États-Unis, où les grandes fortunes sont nombreuses. À tel point qu’en 1917, Pierre Cartier acquerra son hôtel particulier de la 5e avenue en échange d’un collier à deux rangs de perles fines.
5. 1925 : PERLOMANIE PARISIENNE
Après la Première Guerre mondiale et dans les années 1920, Paris demeure le cœur palpitant du commerce mondial de la perle. Le marché est porté par des figures incontournables comme Léonard Rosenthal, Jacques Bienenfeld ou Mohamedali Zainal Alireza, à la tête de véritables empires perliers.
En 1925, l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris, événement phare de la décennie, amplifie cette « perlomanie » parisienne, célébrant la perle comme un symbole de luxe et de modernité.
Cependant, cette prospérité masque des défis croissants : l’introduction des perles de culture japonaises questionne l’avenir des perles fines, tandis que l’offre décroît face à l’abandon de la pêche dans le golfe de Mannar et au déclin progressif des ressources dans le Golfe. Parallèlement, des critiques émergent sur les conditions précaires des pêcheurs, révélant l’envers de cette opulence.
Si la crise économique de 1929 amorce un tournant, le véritable déclin du règne parisien de la perle se dessine avec les drames de la Seconde Guerre mondiale, marqués par la déportation des marchands juifs de la rue La Fayette – cette rue alors emblématique de l’industrie perlière parisienne.
6. LA PERLE PARISIENNE : D’HIER À AUJOURD’HUI
Dans cette section, à travers de sublimes créations contemporaines, on découvre comment la perle a continué d’inspirer les joailliers jusqu’à aujourd’hui.
La Seconde Guerre mondiale marque en effet un tournant décisif pour le commerce des perles parisiennes, interrompant les échanges avec le Golfe et redéfinissant le paysage joaillier. Face à cette rupture, des acteurs historiques comme les Rosenthal se tournent vers les perles de culture, jetant leur dévolu sur les perles noires de Tahiti. Dans les années 1950, menacées par la surpêche, ces perles font l’objet d’une collaboration inédite entre Français et Japonais, qui établissent des fermes perlières pour préserver ce trésor naturel.
Dans le même temps, le commerce des perles fines, autrefois florissant à Paris, s’est raréfié. Les zones de pêche sont désormais strictement contrôlées, et les quelques perles fines qui circulent proviennent d’anciennes collections ou de bijoux anciens revisités.
Aujourd’hui, les perles précieuses continuent d’inspirer les plus grandes maisons de joaillerie, notamment à travers de nouvelles interactions artistiques entre la France et les pays du Golfe.
MON AVIS
Si vous avez envie de vous émerveiller tout en vous cultivant, cette exposition est faite pour vous. Les pièces de joaillerie présentées sont uniques et rarement exposées ensemble.
Au carrefour de l'histoire, de l'art et de la science, « Paris, capitale de la perle » rend ainsi hommage à l’une des pages les plus précieuses de l’histoire de la joaillerie parisienne, à une époque où Paris était indéniablement la capitale mondiale de la perle.
LA PROGRAMMATION AUTOUR DE L’EXPOSITION « PARIS, CAPITALE DE LA PERLE »
Autour de l’exposition, l’École des Arts Joaillers de Paris propose une programmation destinée à approfondir la connaissance de cet univers. Un cours d’initiation intitulé "La perle : Histoire, Science et Légendes" est organisé pour ceux qui souhaitent en savoir plus, offrant une approche pratique et théorique guidée par des experts en gemmologie et en histoire de l’art.
Retrouvez également le podcast de l’école, La Voix des Bijoux, qui consacre sa nouvelle saison à la légende des perles, retraçant leur parcours des profondeurs marines aux vitrines de la haute joaillerie parisienne.
INFORMATIONS PRATIQUES
Quoi ? Expoistion « Paris, capitale de la perle »
Quand ? Du 21 novembre 2024 au 23 mars 2025
Du lundi au samedi, de 12h à 19h (nocturne le jeudi jusqu'à 21h)
Où ? L’École des Arts Joailliers, Hôtel de Mercy-Argenteau, Paris
16 bis, boulevard de Montmartre (Métro : Richelieu-Drouot, lignes 8 & 9)
Combien ? Entrée libre, réservation conseillée sur le site de L’École des Arts Joailliers