La Cité de l’Architecture et du Patrimoine, au Trocadéro, à Paris, a inauguré ce 14 février une exposition consacrée à l’architecte et ingénieur français Paul Andreu (1938-2018): ‘Paul Andreu, l’architecture est un art’, à découvrir jusqu’au 2 juin 2024. À travers 280 œuvres originales (carnets, maquettes, dessins, plans, photos, vidéos…), l’exposition retrace le travail de cet artiste-constructeur qui a su s’imposer comme l’un des architectes majeurs de la seconde moitié du 20e siècle, sur le plan français comme à l’international.
Qui est Paul Andreu? Diplômé de l’École Polytechnique, des Ponts et Chaussées et des Beaux-Arts, son nom ne vous dit peut-être rien, mais il y a au moins une de ses réalisations que vous connaissez: c’est lui qui sera en charge, à 29 ans, de la création et de la construction (entre 1967 et 1974) de l’aérogare 1 du nouvel aéroport Paris-Nord, futur Roissy-Charles-de-Gaulle (qui fête ses 50 ans en 2024). Je ne sais pas si vous y êtes déjà entrés, mais ce Terminal 1 est étonnant: de forme cylindrique, le bâtiment conçu en béton opaque est ouvert en son centre pour laisser entrer la lumière et le ciel. Ce volume central, vide, est aménagé de couloirs roulants intégrés à de grands tubes transparents qui donnent à l’ensemble une structure très futuriste. Ce sera d’ailleurs un emblème de modernité pour l’époque. Inspiré des aéroports américains, Paul Andreu imagine un terminal central desservant sept satellites d’où embarquent les passagers. L’objectif est d’abord de réduire le temps de marche des visiteurs entre leur voiture et la passerelle d’embarquement, en passant par la dépose bagage et l’enregistrement. Pour ma part, je l’ai découvert petit, en accompagnant mes grands-parents qui s’envolaient pour l’un de leurs voyages, et, déjà, cette architecture m’avait marqué, éveillant mon imagination et invitant à l’évasion.
Paul Andreu entre au service d’Aéroport de Paris (ADP) en 1963. Il y restera 40 ans. Après le Terminal 1 de Roissy, inauguré le 8 mars 1974, il engage le chantier de construction du Terminal 2, entre 1969 et 1982 puis entre 1985 et 1993, avec un concept innovant: proposer une architecture évolutive pour permettre de faire face aux futurs besoins d’agrandissements.
Mais très vite, en même temps qu’ADP ambitionne de développer son pôle architecture à l’étranger -le tourisme de masse commençant à s’intensifier, de nombreux pays cherchent à se doter d’un aéroport moderne-, Paul Andreu va s’imposer comme l’un des experts de l’architecture aéroportuaire mondiale. Il est ainsi choisi pour réaliser les aéroports du Caire (1977-86), d’Abu Dhabi (1974-82), de Soekarno-Hatta à Djakarta en Indonésie (1975-91), de Dar es Salam en Tanzanie (1977-84), de Nice (1980-87), ou encore ceux de Séoul en Corée du Sud (1992-93), de Kansai (1987-88) et d’Hiroshima (1989-90)-qui s’arrêteront malheureusement à l’état de projet-, et de Shanghai-Pudong en Chine (1996-99). Il va ainsi se faire un nom en Asie, notamment au Japon et en Chine, à une époque où les marchés publics sont encore très fermés aux occidentaux, la tradition protectionniste exigeant que l’on fasse appel à des architectes locaux. Son secret? Proposer une architecture efficace qui comprend et inclut les cultures locales -l’intégration des paysages et de la nature par exemple, est très appréciée.
La créativité de Paul Andreu va rapidement s’exercer au-delà des aéroports. Il va ainsi imaginer des œuvres architecturales qui feront sa renommée dans le monde entier (même si certaines n’aboutiront pas). En Europe, il exécute la Grande Arche de la Défense (1984-89) sur les plans de Johan Otto von Spreckelsen, réalise le terminal français du tunnel sous la Manche (1985-94), et imagine encore le tremplin à ski de Courchevel pour les Jeux Olympiques de 1992. En Asie, il crée l’Opéra de Pékin (1998-2007) et le complexe omnisport de Canton (ou Guangzhou, 1998-2001) en Chine; le Musée maritime d’Osaka (1992-2000), et des projets comme le monument symbole de l’amitié franco-japonaise (1987) au Japon. Son talent? Réussir à concevoir des constructions à la fois fonctionnelles et poétiques. Dépassant les aspects utilitaires des bâtiments, il s’appuie sur les talents de nombreux spécialistes (décorateurs, designers, sculpteurs, psychologues…) pour proposer un ensemble architectural cohérent, à l’esthétique pratique et harmonieuse. Pour le terminal 1 de Roissy, par exemple, les couleurs du mobilier de Joseph-André Motte, comme la signalétique, seront pensées avec le coloriste Jacques Fillacier dans des tons créatifs et rassurants pour les voyageurs. Les panneaux d’information seront, quant à eux, développés avec le typographe Adrian Frutiger pour faciliter leur lecture et ainsi la circulation (cet alphabet dit ‘Roissy’ sera ensuite déployé dans la plupart des aéroports internationaux).
Car Paul Andreu se revendique à la fois technicien et artiste. Tous ses projets naissent de notes d’intentions créatives et de graphismes poétiques conservés dans des carnets qu’il garde toujours sur lui. Récemment cédés à la Cité de l’Architecture, 69 de ces carnets de croquis sont exposés ici, constituant la colonne vertébrale de l’exposition à partir de laquelle s’articulent les 10 sections du parcours de visite. Le travail des lumières et des matières, les volumes graphiques ou sphériques, les jeux d’opacité et de transparence… tout converge vers la création d’œuvres architecturales uniques, rigoureusement structurées et humaines, entre réalité terrestre et rêve aérien.
MON AVIS
Je ne connaissais pas Paul Andreu, et pourtant, j’ai découvert que son travail m’était familier (Roissy, la Défense…). Je n’avais pas non plus conscience de son influence en France et dans le monde, et l’exposition m’a permis de connaître l’artiste, le technicien, ou encore l’expert reconnu internationalement pour son talent d’architecte aéroportuaire, mais aussi plus généralement pour son talent créatif et ses réalisations à la fois fonctionnelles et esthétiques.
Que vous soyez initiés, amateur ou simplement curieux, je vous recommande cette exposition qui met en lumière l’un des architectes contemporains majeurs, et quelques-uns de ses projets les plus emblématiques de la seconde moitié du 20e siècle.
INFORMATIONS PRATIQUES
Quoi ? « Paul Andreu, l’architecture est un art »
Quand ? Jusqu’au 2 juin 2024.Tous les jours de 11h à 19h (sauf le mardi). Nocturne le jeudi jusqu’à 21h.
Où ? La Cité de l’Architecture et du Patrimoine ouverte
Pour qui ? Les passionnées et amateurs d’art et d’architecture comme les curieux.
Combien ? 9 € (plein tarif) / 6 € (tarif réduit)
SOURCES
Visite commentée de l’exposition
Communiqué de presse
Merci pour cette page très intéressante. Sur le site officiel on ne voit rien. Merci.