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Photo du rédacteurIgor Robinet-Slansky

EXPOSITION: ‘SOIERIES IMPÉRIALES POUR VERSAILLES. COLLECTION DU MOBILIER NATIONAL’


Le château de Versailles et le Mobilier national inaugurent une nouvelle exposition inédite dans la galerie des Cotelle du Grand Trianon: «Soieries impériales pour Versailles. Collection du Mobilier National», du 19 mars au 23 juin 2024.



En 1811, l’empereur Napoléon 1er passe une commande ambitieuse aux soyeux lyonnais pour réaménager le château de Versailles où il imagine s’installer avec sa cour impériale. Une décision réfléchie dès 1806 qui doit servir des objectifs à la fois politiques, en marquant de son empreinte le symbolique palais des derniers rois de France, mais aussi économiques, puisque cette commande pourrait sauver de la faillite bon nombre de canuts, ces tisseurs lyonnais spécialistes de la soie en grande difficulté depuis la chute de l’ancien régime.

 


Finalement, Napoléon 1er touchera peu au château lui-même. Il ne réaménagera réellement qu’une partie du Petit Trianon pour sa sœur Pauline Borghèse puis pour seconde épouse, l’impératrice Marie-Louise, et le Grand Trianon, qu’il destine à sa mère -mais elle n’y habitera jamais-, et où lui et l’impératrice auront leurs appartements.


Quoi qu’il en soit, la chute du Premier Empire en 1814 stoppera net les ambitieux réaménagements impériaux. Mais le garde-meuble impérial, devenu Mobilier national, conservera les 80 kilomètres de soieries créées entre 1811 et 1813 dans la perspective de ces aménagements. De superbes étoffes qui, pour certaines, seront réutilisées sous la Restauration (1814-1830), la Monarchie de Juillet (1830-1848) et le Second Empire (1852-1870).


À travers des documents, des pièces de mobilier et des objets originaux, mais aussi et surtout des échantillons et décors textiles exceptionnels, l’exposition du Grand Trianon propose d’explorer cette période de l’histoire où Versailles aurait pu redevenir le centre du pouvoir -impérial cette fois. Un parcours qui s’articule en une dizaine de sections et qui se conclut par une belle surprise: l'appartement intérieur de l’Empereur, habituellement fermé au public, est ouvert pour l’occasion.

 

La salle d’ouverture permet d’abord de comprendre le contexte historique et économique dans lequel Napoléon décidera de repenser les décors de Versailles. Après avoir fait le tour des entreprises de tissage lyonnaises en 1802, il prend en effet conscience des conséquences dramatiques engendrées par la Révolution et l’arrêt des grandes commandes sur ces ateliers au bord de la faillite. Une fois empereur (1804), Napoléon décide de lancer de grands plans de soutien aux industries des arts décoratifs françaises à travers des commandes d’État régulières pour redécorer et réaménager les nombreuses résidences impériales. Si, parmi toutes ces commandes, celle de 1811 n’est pas la première ni la seule, elle est de loin la plus importante (elle ne sera jamais égalée ensuite).



À travers l’exposition d’un métier à tisser, d’échantillons de matières et d’archives, cette première partie du parcours permet également de découvrir les métiers et savoir-faire artisanaux de l’industrie textile sous le Premier Empire, mais aussi d’appréhender les enjeux de sa modernisation pour mieux produire et répondre aux commandes croissantes: développement de techniques moins coûteuses en temps et en hommes, comme le jacquard; progrès chimiques pour créer des teintures plus solides et nuancées (résistance à la lumière, variétés de tons); perfectionnement de la précision des outils (dessins complexes, régulateur pour permettre la reproduction exacte et infinie des motifs tissés)…



La deuxième section de l’exposition est, je dois dire, l’une des plus surprenantes. En effet, à travers des plans, des dessins et des carnets de commandes, on comprend l’envergure des projets architecturaux envisagés pour transformer le château royal de Versailles en un palais impérial digne de Napoléon et de sa cour -grands et petits appartements impériaux, appartements pour les princes, ministres et officiers... Des propositions étonnantes et grandioses proposées par les architectes Jacques Gondoin, Pierre-François-Léonard Fontaine ou Alexandre Dufour, qui peuvent même quelque peu effrayer les amoureux de Versailles comme moi! Certains projets avancés proposaient ainsi de détruire les ailes du Nord et du Midi, quand d’autres suggéraient de reconstruire entièrement la façade du château-vieux côté ville. Fort heureusement, aucun d’entre eux n’a abouti.



Les cinq parties suivantes du parcours mettent en lumière les principales manufactures qui ont contribué à réaliser les soieries d’’exception destinées aux aménagements de Versailles. Parmi elles, on découvre le soyeux Camille Pernon (1753-1808), reconnu alors comme «le meilleur à Lyon». C’est lui qui imaginera les sublimes tentures de brocard rouge et or prévues pour la salle du trône qui sont exposée ici. La manufacture Pernon, reprise en 1808 par Jean-Étienne et Jean-François-Zacharie Grand, devient la manufacture Grand Frères qui continue à œuvrer pour l’empereur. On peut admirer ici certaines de ses plus belles créations. Au total, 28 manufactures travailleront pour répondre aux commandes impériales. Lacostat & Cie, Chuard & Cie, Dutilleu & Théoleyre, Bissardon, Cousin & Bony… l’exposition présentent une sélection de leurs tissages, tous aussi créatifs que luxueux.



La visite se poursuit par quatre autres sections qui présentent différents décors destinés à des pièces précises du château et de son domaine, comme les magnifiques satins de soie rebrodés de fleurs et d’oiseaux pour le cabinet de repos de l’impératrice, mais aussi un ensemble d’éléments conçus pour le Petit et le Grand Trianon ou encore le Hameau de Marie-Antoinette (réhabilité pour Marie-Louise).



À la chute du Premier Empire, le Mobilier impérial dispose ainsi d’une exceptionnelle réserve de soieries d’ameublement qui seront réemployées par les différents successeurs de Napoléon. C’est ce que l’on découvre dans l’avant-dernière partie de l’exposition. Sous la Restauration (1814/15-1830), Louis XVIII et Charles X puisent dans ce trésor décoratif pour rénover le mobilier des châteaux redevenus royaux; sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), les tissus impériaux sont notamment repris pour les appartements de la duchesse de Berry et du duc d’Orléans aux Tuileries, ou encore, plus surprenant, par Louis-Philippe pour réaliser des vêtements liturgiques; et sous le Second Empire (1852-1870), on réutilise ces textiles luxueux pour renouveler les décors du mobilier, en particulier au château de Fontainebleau.



Enfin, et là je dois dire que j’ai été enchanté, l’exposition offre un accès exceptionnel de l'appartement intérieur de l’Empereur du Grand Trianon habituellement fermé au public. Il s’agit ici de présenter des échantillons de soieries originales qui sont mis en regard de celles en place, retissées dans les années 1960 lors des restaurations menées alors. On découvre avec émerveillement les riches décors et le mobilier typiquement empire de cette enfilade de cinq pièces qui fût réaménagée pour Napoléon à partir de 1809, en lieu et place de l’ancien appartement de Madame de Maintenon et du petit appartement de Louis XV.


 

L’exposition «Soieries impériales pour Versailles. Collection du Mobilier national» est une véritable belle surprise. Elle permet d’accéder à des pièces textiles uniques, véritables œuvres d’art tissées de soie, et emblématiques du goût et des arts décoratifs de ce début du 19e siècle. Une exposition que je vous recommande, et qui plaira à tous les curieux, amateurs de beaux ouvrages, comme aux passionnés d’histoire, de patrimoine ou du Premier Empire.

 

INFORMATIONS PRATIQUES

 

  • Quoi ? «Soieries impériales pour Versailles. Collection du Mobilier national»

  • Quand ? Du 19 mars au 23 juin 2024 Tous les jours sauf le lundi, du 19 mars au 31 mars entre 12h et 17h30, puis du 1er avril au 23 juin entre 12h à 18h.

  • Où ? Grand Trianon, parc du château de Versailles

  • Pour qui ? Tous les curieux et curieuses, amateurs de culture, d’histoire et de patrimoine.

 

Informations et réservations sur le site du château de Versailles

Et pour en savoir plus sur le Mobilier national, rendez-vous ici.

 

SOURCES

  • Visite guidée de l’exposition

  • Dossier de presse de l’exposition

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