À Paris, la mode se vit, défile… et s’expose! Le Musée Yves Saint-Laurent, à deux pas des Champs-Élysées, a ainsi inauguré une nouvelle exposition le 9 février dernier: «Yves Saint-Laurent: Transparences, le Pouvoir des Matières», jusqu’au 25 août 2024. Une plongée dans l'esthétique singulière d'Yves Saint-Laurent sous le prisme de la transparence qui a ponctué la mode du célèbre couturier tout au long de ses 40 ans de carrière.
Sous la direction artistique de l’historienne de la mode Anne Dressen, et au sein d’espaces repensés avec sobriété et sensibilité par l’architecte Pauline Marchetti, cette exposition offre une réflexion approfondie sur la manière dont Yves Saint Laurent (1936-2008) a intégré la transparence comme élément clé de son langage créatif.
Bien que souvent en contradiction avec la fonctionnalité du vêtement, la transparence est en effet un élément récurrent dans le travail du couturier français dès les années 1960. En explorant des matériaux tels que la mousseline, la dentelle et le tulle, parfois rebrodés ou associés à des tissus plus opaques, il a cherché à défier les conventions tout en offrant une esthétique à la fois audacieuse et subtile. Car si le vêtement doit habiller, et donc couvrir le corps, la transparence, employée par touches plus ou moins marquées et suggestives, révèle, elle, toute la puissance d’une silhouette féminine libérée, où le corps s’assume et s’affirme.
À travers une sélection de plus de 40 pièces de mode emblématiques de la Maison de couture, mais aussi des dessins (croquis, patrons sur calque), des photographies et une sélection d’accessoires, l'exposition met en lumière toute la sensibilité et le talent d’Yves Saint-Laurent, mais aussi son sens aiguisé de l'innovation, tout en soulignant l'importance de la matière dans son processus créatif. Selon leur qualité et leur emploi par le couturier, par des jeux de superpositions, de placement et de transparences, les tissus et les matières cachent, révèlent ou revisite la nudité et les lignes de la silhouette.
Enfin, et en complément des créations d'Yves Saint Laurent - lui-même souvent inspiré par l’art, et notamment la peinture de Goya -, des œuvres d'artistes modernes et contemporains sont présentées tout au long du parcours pour enrichir le dialogue autour de la transparence en tant que concept artistique: les superpositions de matières et les jeux de couleurs se retrouvent dans les dessins au stylo d’Anne Bourse; les rayogrammes et les photographies de mode surréalistes de Man Ray évoquent le travail de la dentelle; la fluidité et la grâce de la mousseline se reflètent dans la danse serpentine de Loïe Fuller, immortalisée par les frères Lumière; tandis qu’une œuvre de la série des ‘Transparences’ de Francis Picabia propose différents niveaux de lecture, dévoilant, à l’image des créations du couturier et selon les points de vue, les parts visibles et invisibles du modèle et de sa personnalité.
L’exposition s’organise autour de cinq sections:
1. ENTRÉE EN MATIÈRES
Il s’agit ici d’explorer les différents tissus utilisés par Yves Saint-Laurent pour jouer les transparences. On y observe des pièces en organza, à la main fine et rigide à la fois, en Cigaline®, très fine et au toucher crissant, en dentelle, délicatement ajourée, en tulle, idéal pour apporter du volume, ou en mousseline, souple et vaporeuse. On découvre ainsi des pièces comme la ‘Nude dress’ qu’il créera en 1968, ou le modèle ‘Je suis belle’ de la collection automne-hiver 1988.
2. TRANSPARENCES AJOURÉES
La dentelle et le tulle sont à l’honneur dans cette section, parfois associée à d’autres tissus. Si la dentelle permet d’imaginer des dessins ajourés parmi les plus délicats, le tulle, lui, s’impose dans une transparence toute volumineuse. Saint-Laurent jouera avec les découpes et les motifs de ces matières pour dévoiler ou cacher le corps, et ainsi diriger le regard sur un détail ou une partie de la silhouette.
3. TRANSPARENCES FLOUES
La fluidité est au cœur de cette partie de l’exposition. Une fluidité des matières et des corps, où dans des étoffes souples et vaporeuses comme les mousselines ou les tulles, la femme libère ses mouvements, révélant aussi, par les effets de transparence et d’opacité, sa liberté d’apparaître et d’agir comme elle l’entend. La technique du ‘flou’, qui travaille les matériaux souples, est ici mis en lumière par opposition à la technique du ‘tailleur’ qui confectionne des vêtements plus construits.
4. TRANSPARENCES STRUCTURALES
La transparence est ici traitée comme révélatrice de la construction du vêtement. Si les dessins et patrons décortiquent l’architecture de chaque pièce imaginée par le couturier, l’utilisation de matières à la fois transparentes et rigides, comme l’organdi, cette mousseline de coton raide et légère, permet de dévoiler les lignes et la structure du vêtement, tout en accentuant son élégance. La robe du soir exposée ici illustre parfaitement ce propos.
5. LA MARIÉE NE SERA PAS TRANSPARENTE
La robe de mariée marque traditionnellement la fin du défilé. Le parcours de l’exposition ne déroge pas à la règle, et c’est par des silhouettes de mariées et des voiles de tulle qu’il se termine. Souvent réinterprétée, parfois avec audace et anticonformisme, la robe de mariée Yves Saint-Laurent, qu’elle soit colorée ou même teintée de noir, ne se fait pour autant jamais transparente. Seuls les voiles de tulles et de dentelles permettent, selon ce qu’ils couvrent ou dévoilent, de créer le mystère.
À propos du Musée Yves Saint-Laurent
(texte officiel fourni par le musée)
Présidé par Madison Cox, le Musée Yves Saint Laurent Paris est le premier musée consacré à l’un des plus grands couturiers du XXe siècle dans la capitale de la mode. Il ouvre ses portes le 3 octobre 2017, quinze années après la fermeture de la maison de haute couture et obtient l’appellation « Musée de France ». Il occupe l’hôtel particulier historique du 5 avenue Marceau où naquirent durant près de trente ans, de 1974 à 2002, les créations d’Yves Saint Laurent. La collection du musée est riche de près de 30 000 pièces textiles et accessoires dont 8 500 pièces haute couture, 100 000 pièces d'arts graphiques dont 55 000 croquis de mode du couturier et 130 000 photographies. Un fonds documentaire presse et audiovisuel de plus de 5000 archives complète ces collections. Elles sont le fruit d’un travail pionnier d’archives entrepris par Yves Saint Laurent et Pierre Bergé.
MON AVIS
Les créations d’Yves Saint-Laurent sont des œuvres à part entières. Les (re)découvrir est toujours, pour moi, un moment unique, de contemplation et d’admiration.
L’innovation créative, la beauté des matières, la perfection des tombés, la modernité des coupes et l’élégance des silhouettes forcent l’émerveillement autant qu’ils invitent à rêver.
Comme son nom l’indique, cette exposition permet d’explorer les créations d’Yves Saint-Laurent sous le prisme des transparences. Pour ma part, j’aime beaucoup ce genre de parti-pris, et je trouve toujours très intéressant de regarder le travail d’un créateur (de mode ou autres) sous un angle défini, une perspective qui oblige à porter un regard plus orienté et précis sur des œuvres ou des artistes connu.e.s (ou non).
Et puis, visiter cette exposition, c’est aussi l’occasion de pénétrer dans le magnifique hôtel particulier qui servira de studio de création et d’atelier à la Maison Yves Saint-Laurent jusqu’à la disparition du couturier le 1er juin 2008.
INFORMATIONS PRATIQUES
Quoi ? «Yves Saint-Laurent : Transparences, le Pouvoir des Matières»
Quand ? du 9 février au 25 août 2024
Tous les jours de 11h à 18h, sauf le lundi. Nocturne le jeudi jusqu’à 21h.
Où ? Musée Yves Saint Laurent Paris - 5, avenue Marceau, 75116 Paris
Qui ? les passionnés de mode, comme les curieux et les amoureux de belles choses.
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