Je vous propose aujourd’hui de nous rendre au château de Fontainebleau à la découverte d’une toute nouvelle exposition: ‘l’Art de la fête à la cour des Valois’ qui se tient du 10 avril au 4 juillet 2022 dans la salle de la Belle Cheminée.
Inédite, cette exposition propose de vous faire revivre les somptueuses fêtes qui animaient la cour des Valois au 16e siècle, de François 1er à Henri III, à travers une centaine d’œuvres issues des plus grands musées internationaux (Palazzo Pitti de Florence, Met de New York), et réalisées par les plus grands artistes de la Renaissance: Rosso, le Primatice, Delorme, Caron, Ronsard. Peintures, armes de parade, dessins de costumes, textes, livrets commémoratifs et programmes, ou décors… découvrez la splendeur et les coulisses de ces fêtes qui ont fait la réputation et la gloire de la cour de France dans toute l’Europe.
Point Histoire : Qui étaient les Valois ?
Pour rappel, les Valois constituent la dynastie royale installée au pouvoir de 1328 à 1589, après celle des Capétiens qui régnait depuis 987 et Hugues Capet. Car après que Philippe IV le Bel et ses frères sont morts sans descendance directe vivante, la couronne de France est revenue au neveu de Philippe le Bel, Philippe de Valois, devenu ainsi Philippe VI (règne: 1328-50). 12 autres Valois luis succèderont sur Le trône parmi lesquels:
François 1er (règne : 1515-47), à qui l’on doit la construction du nouveau château de Fontainebleau sur les bases de l’ancien château médiéval, autour d’une cour connue aujourd’hui comme la cour Ovale. Galeries, chapelle, cours, décors… il agrandit son palais tout au long de son règne pour en faire une œuvre monumentale qui devient la résidence principale des Valois dont il est le 9e roi.
Henri II (règne : 1547-59), son fils, qui continuera à transformer Fontainebleau (salle de Bal, cour d’Honneur). Son épouse Catherine de Médicis (1519-89), qui règnera à travers ses fils, poursuit les travaux et érige entre autre l’aile de la Belle Cheminée où se trouve la salle de la Belle Cheminée abritant l’exposition.
Après le règne de ses deux frères François II et Charles IX, Henri III, dernier fils de Catherine de Médicis et Henri II, mourra sans héritier. C’est l’époux de sa sœur Marguerite de Valois (la célèbre Reine Margot), son cousin Henri de Bourbon-Navarre, qui monte alors sur le trône en 1589 et devient Henri IV, premier roi de la dynastie des Bourbon.
Pièces maîtresses de l’exposition, les trois tapisseries exceptionnelles présentées ici, réalisée d’après des dessins d’Antoine Caron, et qui composent une partie de ce qu’on appelle la ‘Tenture des Valois’, relatent les fêtes éblouissantes organisées par Catherine de Médicis:
à Fontainebleau (1ère tapisserie), d’abord, avec la représentation de la bataille navale entre hommes sauvages et guerriers antiques organisée en février 1564 pour le carnaval sur l’étang des Carpes ;
à Bayonne (2e tapisseries), ensuite, où sur l’Adour des embarcations font face à l’assaut d’une baleine mécanique ;
à Bayonne toujours (3e tapisserie), le 25 juin 1565, où on assiste au tournoi mythologique organisé entre les Vertus et l’Amour.
Là où d’autres souverains prendront les thématiques de la guerre ou de la victoire pour symboliser leur grandeur, Catherine de Médicis choisit la fête, démontrant combien elle est emblématique du pouvoir à cette époque. La fête doit ainsi éblouir pour mieux dominer.
Personnalité centrale des fêtes de Fontainebleau, Catherine de Médicis a hérité de son père et de sa famille florentine le goût de la bombance et de la fête. Lorsqu’elle épouse Henri II et qu’elle devient reine de France, elle établit ainsi une vraie politique de la fête. Une pratique qui va se renforcer lorsqu’Henri II meurt prématurément le 10 juillet 1559 lors d’un tournoi de joutes et que son fils, François II, monte sur le trône à 15 ans. Sa jeunesse, et le choix de déléguer le gouvernement à la très catholique famille des Guise que l’on sait favorable à la répression des protestants, vont fragiliser le pouvoir royal et déclencher les guerres de religion. Consciente de la dangerosité des troubles à venir, Catherine de Médicis entame un tour de France avec son fils pour légitimer et faire connaître au peuple son nouveau roi. Un voyage ponctué de nombreuses fêtes, toutes plus grandioses les unes que les autres pour asseoir l’autorité royale.
Car sous le règne des Valois, la fête revêt bien un rôle politique. Il s’agit d’abord de flatter les invités de la cour, français ou étrangers, pour les amadouer; de communiquer la grandeur et la puissance du roi à travers le royaume et l’Europe; ou encore de divertir la noblesse pour éviter les révoltes internes… Mais avec les guerres de religions qui déchirent la France, la fête va aussi, un temps, rassembler le peuple et servir les messages de concorde et de paix. Elle doit ainsi permettre, comme l’écrit Catherine de Médicis, de ‘tenir les Français joyeux et occupés’ dans ses temps de troubles.
Parmi les fêtes importantes d’un point de vue politique: l’Entrée Royale. Après son sacre et sa prise de pouvoir, le roi va sillonner son royaume à la rencontre de son peuple. Ces déplacements officiels doivent affirmer le pouvoir royal, appuyés par la fête qui va alors jouer un rôle essentiel pour attester de la grandeur du souverain. Véritable événement festif et solennel qui doit surprendre et impressionner, l’Entrée Royale s’inspire des mythes antiques ou de la littérature de la Renaissance, mais aussi des voyages du roi en orient (la passion pour l’égyptomanie est grande à la cour de France au 16e siècle) ou encore à Venise. Conçue à l’antique, cette cérémonie éphémère somptueuse met en scène le roi qui apparaît tel un empereur romain triomphant et tout puissant. Arcs de triomphes, obélisques, chars ou autres décors sont réalisés par les meilleurs artistes de l’époque et, bien que factices et caducs, ils inspireront souvent l’architecture et les décors de monuments pérennes. C’est le cas par exemple de la fontaine des Innocents à Paris. Reconstruite en 1548 sous le règne d’Henri II par l’architecte Pierre Lescot, cette fontaine, ornée de sculptures de Jean Goujon, reprend une architecture et différents décors imaginés pour les entrées royales de plusieurs rois de la Renaissance. Enfin, l’Entrée Royale s’accompagne également de nombreux cadeaux offerts au nouveau roi par les villes qui l’accueillent: objets d’orfèvrerie, manuscrits enluminés.
Au-delà de l’Entrée Royale qui se tient hors des châteaux royaux, parmi les autres fêtes organisées à la cour de France, on compte les grandes cérémonies -mariage, baptême-, les carnavals et les mascarades (bals masqués), ou encore des fêtes plus régulières où l’on aime par-dessus tout danser. A la cour d’Henri III, on danse ainsi trois fois par semaine : la Pavane, qui consiste à danser en couple, en parcourant la salle en cortège, et qui a donné l’expression « se pavaner » ; le branle (branle haut ou branle bas) qui se danse en ronde et où on réalise des figures plus ou moins acrobatiques ; ou encore le ballet de cour qui, lui, s’organise comme un véritable spectacle, mettant en scène la cour et les souverains.
Point anecdote : saviez-vous qu’il y avait trois types de musiques à la cour de France ?
Tout d’abord, à l’église, c’est la musique religieuse qui accompagne les cérémonies. La musique dite d’écurie joue ensuite pour les parades militaires. Enfin, la musique de chambre, réservée au roi et à la cour, s’écoute pour le plaisir.
Finalement, comme l’exposition nous l’explique, et je cite ici la commissaire et conservatrice Oriane Beaufils, «la fête au 16e siècle est une œuvre d’art totale»: une scénographie immersive spectaculaire, des décors éblouissants, de la musique, de la danse... mais aussi et surtout un lieu !
Car si la cour de France est encore nomade sous le règne des Valois, c’est pourtant à cette époque que vont naître les salles de bal, des pièces ‘en dur’ dédiées uniquement à la fête et créées spécifiquement pour accueillir les festivités de la cour. On pense notamment à la somptueuse salle de Bal de Fontainebleau créée par Henri II, l’une des rares bâties à la Renaissance qui nous soient parvenues. Notez qu’à l’occasion de l’exposition, elle accueille deux costumes reproduits selon des dessins du Primatice par les ateliers de création de Disneyland Paris. Une façon de mieux se rendre compte du travail que représentaient les costumes de fête, et de leur importance.
Le costume est en effet un autre élément essentiel de la fête. On trouve tout d’abord les costumes des mascarades, ces fêtes inspirées des bals masqués et plus libres que les événements officiels. Les membres de la cour vont ainsi y défiler dans des accoutrements parfois énigmatiques mais souvent plein d’humour et d’autodérision. Ainsi, François 1er apparaîtra en ours, en arbre et même en crevette, tandis qu’Henri II fera son entrée déguisé en fontaine d’eau parfumée, et que Marguerite de Valois (la future reine Margot) jouera le rôle d’une nymphe légère lors d’un ballet de cour. L’exposition présente ainsi bon nombre de dessins qui nous permettent de comprendre la diversité des costumes de mascarade, mais aussi le développement d’un autre type de costume : le costume martial. Ce dernier a d’abord vocation à incarner la force guerrière du roi lors des ballets ou cérémonies. Mais il peut aussi servir lors des tournois pour lesquels on crée de véritables armures de combat, plus légères que les équipements de guerre, mais bien utiles aux participants. Après la mort d’Henri II lors d’un jeu de joutes en 1559, et sous l’impulsion de son épouse Catherine de Médicis, les tournois prendront ensuite la forme de spectacles, sans affrontements réels, où seront reproduits les grands combats de l’Antiquité.
L’exposition se termine par une sculpture en marbre blanc représentant le casque guerrier d’Henri IV, issue de la Belle Cheminée qui se trouvait dans la salle où nous sommes. Monté sur le trône à la suite d’Henri III, mort assassiné le 2 août 1559 sans enfant, Henri IV marque la fin du règne fastueux de la dynastie des Valois et inaugure celui des Bourbon qui règneront sur le royaume de France jusqu’à la Révolution -Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI-, et même au-delà à la Restauration (1814-1830) -Louis XVIII et Charles X.
Après le 16e siècle, la part de légèreté des fêtes telles qu’on les organisait à la cour des Valois s’effacera pour des fêtes toujours grandioses mais organisées à la gloire du roi, afin d’assoir l’autorité royale et surtout le pouvoir absolu du monarque.
Au-delà de l’exposition, le château de Fontainebleau propose une programmation (visites guidées, conférences, ateliers, spectacles) à retrouver sur son site web. La cour Ovale où se déroulait aussi une partie des fêtes des Valois sera également ouverte exceptionnellement au public.
En savoir plus sur le château de Fontainebleau
Témoin des fêtes de cour, le château de Fontainebleau a accueilli, sur plus de huit siècles, l’ensemble des souverains français jusqu’à Napoléon III au Second Empire (1852-70). Et comme le dira Napoléon 1er, cette résidence royale puis impériale, est bel et bien, par son histoire, «la vraie demeure des rois et la maison des siècles».
Pour en savoir plus, rendez-vous dans les articles et podcasts dédiés à mes visites du domaine de Fontainebleau et disponibles sur ce blog et sur les plateformes de podcastings (Spotify, Apple Podcast, Google Podcasts, Overcast, Pocket Casts, RadioPublic, Breaker et Anchor) :
Informations pratiques
L’exposition est accessible avec le billet d’entrée du château.
Elle est ouverte tous les jours sauf les mardis et le 1er mai, de 9h30 à 18h.
Plus de détails ici, sur le site du château de Fontainebleau.
Sources
Dossier de presse de l’exposition
Site Internet de Château de Fontainebleau
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