Si vous aimez l’art, la culture et la mode, j’ai LE livre idéal pour vous : « Défilé au Louvre », écrit et coordonné par la journaliste, romancière et critique de mode Sophie Fontanel, et publié aux Éditions Seghers & Musée du Louvre.
Pourquoi cet ouvrage m’a conquis et devrait vous plaire ? D’abord parce qu’il réunit, avec originalité, deux de mes passions, la culture et la mode, mais aussi parce qu’il s’intéresse à l’un de mes musées préférés, le célèbre musée du Louvre, tout en portant un regard inhabituel sur ses œuvres.
Si vous connaissez les écrits et le style de Sophie Fontanel, vous saurez que ce nouvel ouvrage ne peut qu’être atypique, et empreint de sensibilité, de passion et, bien sûr, d’humour. Si vous ne connaissez pas son travail, c’est le moment de vous confronter à sa personnalité pleine d’esprit et de fantaisie, et à ses écrits justes et poétiques.
« DÉFILÉ AU LOUVRE », UN RENDEZ-VOUS INSOLITE AVEC L’ART
Revenons à ce « Défilé au Louvre ». De quoi s’agit-il exactement ? Pour le savoir, voyageons à travers 5 000 ans d’histoire de l’art dans les allées du Louvre. Tout le monde connaît le célèbre musée parisien, et pour ma part je l’ai parcouru des dizaines de fois, toujours avec le même plaisir. Mais cette fois, c’est une visite quelque peu singulière que nous propose Sophie Fontanel.
Imaginez que, chaque jour, dans le plus grand musée du monde, s’organise le défilé de mode le plus inattendu mais aussi le plus passionnant. Certaines ou certains diront que le show se fait dans les allées du musée, tant on y croise de personnes aux styles divers et aux origines différentes.
Mais en réalité, il s’agit ici d’un défilé où les modèles, les créateurs, les influenceurs et les invités, ne sont autres que les plus belles peintures et sculptures de l’histoire qui se succèdent sur un podium imaginaire. Car on peut interpréter chaque œuvre du Louvre de mille et une façon : d’un point de vue historique, archéologique ou sociétal, d’un point de vue technique, aussi, ou simplement esthétique et émotionnel. Sophie Fontanel a choisi de les observer avec son œil de critique de mode.
Dans « Défile au Louvre », à travers ce qu’elle perçoit de l’histoire, du style artistique et de la scène qui se présente à elle, elle raconte la mode d’hier et d’aujourd’hui, en mettant en parallèle ses personnalités, ses lieux, ses usages et les éléments marquants de son histoire, avec ceux des tableaux et sculptures. Un voyage inédit au cœur des allées du musée que je vous recommande pour explorer certaines des œuvres le plus connues au monde sous un angle nouveau, grâce aux textes de Sophie Fontanel, dont la légèreté de ton apparente sert ici, en réalité, à porter la pertinence et la justesse des propos.
Pour que vous compreniez mieux l’essence de ce livre, je vous propose quelques extraits mis en regards des œuvres qu’ils évoquent.
AU PREMIER RANG DU « DÉFILÉ AU LOUVRE »
Ci-après quelques-unes des œuvres que j’avais envie de mettre en avant.
« Madame Molé-Raymond, de la Comédie-Italienne », Elisabeth Vigée-Lebrun, 1786
Cette peinture du 18e est ici sous-titrée : « Pourquoi les mannequins ne sourient pas ? »
Extrait de réponse par Sophie Fontanel : « Malgré la ravissante alchimie de ce bleu que cette jeune personne a choisi de porter ce jour-là, malgré la beauté du choc des matières […], malgré ce mouvement qu’elle arrive à prendre au lieu de se trouver godiche devant le peintre […], eh bien, c’est ce seul sourire qui nous saute au visage. […] La mode s’est dit tout ça, un jour. Et elle a préféré qu’on voie les vêtements. »
« Portrait de Ferdinand-Philippe de Bourbon Orléans, duc d’Orléans », Jean Auguste Dominique Ingres, 1842
Renommé « Une carrure qui est presque une carrière. », ce portrait évoque ces mots à l’autrice : « Les épaulettes sont peut-être els ailes des êtres terre-à-terre, allez savoir. Elles viennent ainsi indiquer que, là où vous êtes, c’est tout en haut, du moins sur certaines possibilités humaines. […] La mode pose et retire ces épaulettes sans relâche, passant des grandes aux petites d’une saison à l’autre. […] privant même de sens politique ou social ces mutations […] Allez comprendre. »
« Louis XIV, roi de France », Hyacinthe Rigaud, 1701
En sous-titre de ce majestueux tableau : « Tu les avais plus courtes ». Les mots de Sophie Fontanel diraient alors à Louis XIV : « Ah, te voici, roi de France, dans toute ta superbe, influençant les éléments au point que même le meuble est habillé comme toi […]. On raconte que tes jambes, ici, sont légèrement photoshopées, ainsi que nous dirions au XXIe siècle. Tu els avais plus courtes. On aurait tort de se formaliser de cette entorse à la réalité, car cela n’a rien d’insolite. […] Bref, ici, tu fais près de deux mètres, mais tout le monde connaît ta vraie taille : en réalité, tu allais jusqu’au ciel. »
« La Dame en Bleu », Camille Corot, 1874
Cette peinture est sous-titrée ici : « Voulant reproduire une telle attitude. » Sophie Fontanel en dit ceci : « Pendant des années, les photos de mode voulant reproduire une telle attitude, ce côté « pris dur le vif », seront en réalité des photos posées […]. C’est vers les années 1960 que tout change. Des photographes comme Joel Meyerowitz, Bill Cunningham […] se mettent à à arpenter les rues de New York, notamment pour « chasser des looks ». […] Cette jeune femme en bleu, on la retrouve aujourd’hui à Milan pendant la Fashion week, attendant son latte macchiato au comptoir. La robe à évolué […] La désinvolture ne se démode jamais. […] »
« Les Noces de Cana », Véronèse, 1562-1563.
La légende dit ici : « J’avais la meilleure place. », car comme l’explique Sophie Fontanel : « Dès qu’on détaille les vêtements de ce tableau, on remarque que chacun mériterait d’être agrandit, reproduit, voire produit […]. En prenant du recul, au contraire, on voit ici très clairement ce qu’est un défilé de mode. Certes, dans un show, le créateur et son studio ne sont pas dans le public […]. Mais sinon, toute est là. Le fameux front row (premier rang) […]. Ceux qui verront tout d’un peu plus loin. Ceux sur les côtés qui se sentent négligés. […] Ceux déjà debout sur le décore, et qui diront, en sortant : « J’avais la meilleure place ». […] Et puis, comme en mode, chacun attend un peu un miracle. »
« Artémis, dite Diane de Versailles », Italie, 2e quart du Ier siècle de notre ère
Autrement titrée « Nommer cet habit. », cette sculpture fascinante inspire cette analyse à la critique de mode : « Cette tenue est l’une des plus fréquemment vues sur les podiums. Il y a toujours un moment où cette simplicité passe sous nos yeux, et l’on reconnaît un esprit grec. […] Parce que c’est en nous, c’est inscrit dans l’imaginaire collectif. Mais en dehors des spécialistes de l’Antiquité, plus personne ne sait nommer cet habit […] Himation, Chiton, ces mots ont disparus […] comme « soulier » et « corsage » qu’on ne dit plus. […] »
« La Vierge du chancelier Rolin », Jan Van Eyck, vers 1430
Après l’avoir simplement réintitulée « Ah, le décor ! », Sophie Fontanel précise ici : « C’est la Vierge, mais le peintre l’a transposée dans un palais du XVIe siècle. Cela revient à faire porter des Converse à une reine de France, par exemple… Comme Sophie Coppola l’a fait dans ‘Marie-Antoinette’ […] Placer des personnages, et avec eux leur tenue vestimentaire, dans un cadre qui n’est pas le leur, est un grand principe de la photo de mode. [..] Ah, le décor ! […] »
« La Joconde », Léonard de Vinci, 1503-1519
Le sous-titre dit ici : « Mangée par la légende ». Et quelle légende ! « Un cas inouï de longévité dans le monde des modèles. À un âge canonique, la Joconde reste un ‘top’ [..] Oh, ce n’est pas tant que ce mannequin continue de défilé, c’est plutôt la planète entière qui défile devant lui. […] Toute beauté présentée comme telle sème le doute. [….] La Joconde est-elle belle, au fait ? […] Il est si moderne de ne pas faire l’unanimité tout en la faisant. La vérité c’est que, au fond, la Joconde est beaucoup trop exposée pour être réellement vue. Ainsi ces visages de modèles qui ont servi à tout vendre, désincarnés à force d’être une image. Qu’elle reste captivante nous indique tout de même à quel point elle devait l’être. »
« La Dentellière », Johannes Vermeer, vers 1669-70
C’est un sujet totalement d’actualité, alors qu’on cherche à construire une mode plus transparente : « Montrer davantage ces fameuses petites mains ».
« Petites mains de la mode rarement montrées. Leurs multiples métiers furent longtemps tenus pour socialement peu de chose […] Grâce est ici rendue à cette dentellière, d’abord parce que le peintre a choisi de la montrer, et ensuite par la délicatesse des couleurs qui la parent et l’entourent. Martin Margiela [..] faisait défiler les petites mains des ateliers au moment du ‘finale’. […] Mais c’est seulement quand une haine du luxe va monter de par le monde, […] que les maisons de couture vont songer à montrer davantage ces fameuses petites mains, traits d’union inespérés entre le mérite et le luxe. »
UN « DÉFILÉ AU LOUVRE » ET D’INFINIES POSSIBILITÉS
Il y a plein d’autres exemples aussi instructifs que divertissants dans le livre « Défilé au Louvre » de Sophie Fontanel. Je vous laisse les découvrir à votre guise et à votre rythme.
Pour ma part, j’en ai profité pour me créer mon propre parcours de visite et revoir certaines des œuvres du musée avec un nouveau point de vue. Mais en plus des pièces sélectionnées par Sophie Fontanel, j’ai aussi ajouté à mon « lookbook » (mon catalogue si vous préférez) certaines autres qui font désormais partie de mon défilé personnel.
« L’Hermaphrodite endormi », Italie, 3e quart du IIe siècle avant notre ère.
Cette œuvre m’a toujours fasciné. Elle résonne particulièrement avec le livre « Défilé au Louvre » tant la mode, comme l’art, accompagne les évolutions sociétales, bousculant parfois les conventions et, ici, les genres.
« Portrait de Madame Pasteur, née Madeleine Alexandre », Antoine-Jean Gros, 1795-96
J’ai découvert ce portrait de la fin du 18e siècle qui, par son allure à la garçonne, pourrait être en couverture d’un magazine d’aujourd’hui, comme une Jane Birkin a pu l’être et lancer une mode sur la pochette de l’album « Histoire de Melody Nelson » de Serge Gainsbourg sorti en 1971.
« Portrait de François 1er », Jean Clouet, 1530
Ce portrait célèbre de l’un des plus grands roi de France (en renommée et en taille – près de 2 mètres) a toute sa place dans mon « Défilé au Louvre » parce que l’habit richement décoré du souverain, qui, par des crevures laisse apparaître la chemise en lin blanc immaculé du dessous, est sans conteste l’ancêtre de nos costumes de luxe contemporains.
La Tribune des Caryatides, Jean Goujon, 1550
Dans la magnifique ancienne salle de Bal du Louvre, la tribune des Caryatides avec ses quatre statues féminines sculptées par Jean Goujon en 1550, permettait d’accueillir les musiciens. Or, comme chacun le sait, la réussite d’un défilé de mode réside aussi dans le choix adapté de sa musique qui participe à créer l’univers d’une collection.
« Psyché ranimé par l’Amour », Antonio Canova, fin 18e - début 19e siècle.
Je terminerai par l’une de mes œuvres préférées : « Psyché ranimé par l’Amour », réalisé par le sculpteur italien Antonio Canova. Ici, il ne s’agit pas vraiment de mode, ici, mais plutôt de poésie, d’amour et d’une scène imaginaire où la grâce extraordinaire des gestes ajoute à l’onirisme du moment.
Pourtant, cette sculpture a toute sa place dans mon « Défilé au Louvre » parce que, finalement, la mode c’est ça aussi: de l’imagination, du rêve et des histoires !
J’espère que ces quelques mots et images vous auront donné envie d’explorer à votre tour le livre de Sophie Fontanel, « Défilé au Louvre ». Et vous, quelle œuvre du musée aimeriez-vous voir en vedette dans ce défilé imaginaire ?
SOURCES
Visite du Louvre
« Défilé au Louvre » de Sophie Fontanel, Éd. Seghers et Éd. du Musée du Louvre
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