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Photo du rédacteurIgor Robinet-Slansky

L’ORIGINE DE LA BÛCHE DE NOËL : VOYAGE AU CŒUR D’UNE TRADITION ANCESTRALE ET GOURMANDE

Chambord
Noël au Château de Chambord

Impossible d’imaginer un repas de Noël sans la traditionnelle bûche. Pourtant, derrière ce dessert emblématique se cache une histoire séculaire, où se mêlent rites païens, symboles chrétiens et créativité pâtissière. Revenons sur l’origine de la bûche de Noël et l’évolution de cette tradition au fil des siècles.



L’ORIGINE DE LA BÛCHE DE NOËL : UN RITUEL ANCESTRAL POUR CÉLÉBRER LA LUMIÈRE ET LA PROSPERITÉ


Bien avant de se transformer en un délicieux gâteau roulé, la bûche de Noël était, comme son nom l’indique, une véritable souche de bois. Dans l’Europe médiévale, on honorait le solstice d’hiver en brûlant une grande bûche dans l’âtre familial. Une coutume issue des rites polythéistes païens ancestraux, comme la fête de Yule en Scandinavie ou le cacho fio en Provence, où l’on brûlait un tronc d’arbre à cette période en guise d’offrande aux Dieux. Il s’agissait de symboliser le renouveau de la lumière au cœur de l’hiver, mais aussi et surtout de garantir des récoltes fructueuses pour l’année à venir.


Au Moyen-Âge, comme souvent, cette tradition païenne va être adaptée aux rites chrétiens. Ainsi, la veille de Noël, il était de coutume de choisir une bûche de bois suffisamment grosse pour qu’elle se consume pendant trois jours au moins dans la cheminée, et si possible pendant 12 jours, jusqu’à l’Épiphanie – on pouvait l’éteindre et la rallumer chaque jour pour cela. Cette pratique, aux accents désormais religieux, devait apporter protection et prospérité au foyer, et réunissait tous ceux qui y vivaient, des maîtres de maison aux parents et domestiques.



Des bénédictions accompagnaient alors son allumage à l’aide de buis ou laurier conservés de la fête des Rameaux précédente. Dans le sud, on choisissait une bûche d’arbre fruitier (olivier, prunier) pour permettre une meilleure production, tandis que dans le nord, le hêtre ou le chêne devaient garantir une profusion de glands et de faînes (fruits du hêtre) qui, à l’époque médiévale, servaient à nourrir les hommes et les animaux. Parfois, on arrosait ces bûches de vin, pour avoir des vignes productives, ou de sel pour protéger des mauvais sorts. Les cendres étaient ensuite conservées, soit dans la maison pour tenir le diable éloigné, soit pour être répandues dans les champs afin de les fertiliser, mais aussi pour concocter des remèdes, ou encore pour allumer la bûche de l’année suivante.


UNE BÛCHE ET DES TRADITIONS RÉGIONALES


Les traditions liées à la bûche de Noël et à ses rites d’allumage diffèrent selon les régions de France. En voici quelques exemples.


En Provence, la cérémonie du ‘Cachafio, Bouto Fio’ (« Cache l’ancien feu, allume le nouveau feu ») était marquée par des gestes symboliques et des prières. Avant de mettre le feu à la bûche, le plus ancien de la famille la bénissait en l’arrosant de vin, en référence à la vigne plantée par Noé lors de la rénovation du monde, mais aussi de lait ou de miel pour rappeler les délices du jardin d’Éden, avant de proclamer à trois reprises : « Noël vient, tout bien vient ! », et de signer l’âtre d’un pieux « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, Amen ».



Un peu plus haut, en Bourgogne, comme en Normandie, le soir de Noël, on envoyait les enfants prier Dieu pour que la bûche leur offre des surprises. Pendant leur absence, les parents déposaient pour eux, au pied de la souche ou cachés dedans, des petits cadeaux, des friandises ou des fruits.


Dans le Berry, ce n’est pas une bûche mais le tronc d’un chêne jamais élagué et coupé à minuit que l’on faisait brûler. Un tronc nommé « la cosse de Nau » (soit « Souche de Noël » en berrichon) qui se consumait tout au long de la période des fêtes.


D’ailleurs, si la bûche de Noël portait des noms différents selon les régions, bien souvent on la nommait Téfeu ou Térfouet, un dérivé du latin ‘tres foci’ qui signifie ‘trois feux’ - puisque cette souche devait se consumer pendant trois jours.


DE L’ÂTRE À L’ASSIETTE : L’INVENTION DE LA BÛCHE PATISSIÈRE


Au fil des siècles, la bûche de Noël en bois s’est muée en un gâteau imitant plus ou moins sa forme. En effet, le transport d’une grosse souche de bois n’étant pas toujours pratique, la tradition tend à disparaître dès la fin du 18e siècle.


C’est alors qu’au 19e siècle, des pâtissiers français vont avoir l’idée de transformer les gâteaux de Noël populaires en un dessert raffiné, une génoise roulée, fourrée et couverte d’une crème au beurre striée pour imiter les reliefs de l’écorce d’arbre. Plusieurs d’entre eux revendiquent cependant la paternité de cette nouvelle bûche de Noël sans qu’on ne sache avec certitude qui en est l’inventeur.



Une première version raconte que le célèbre gâteau aurait été imaginé en 1834 par un apprenti pâtissier du quartier de Saint-Germain-des-Prés, au cœur de Paris. Une autre explication donne le chocolatier lyonnais Félix Bonnat comme le créateur de la fameuse pâtisserie dans les années 1860. On dit encore qu’elle est l’œuvre de l’ancien glacier du prince Charles III de Monaco, Pierre Lacam, qui la mentionne dans une publication de 1890. Cependant, il l’avouera lui-même, la recette viendrait en réalité du pâtissier Antoine Charabot de la Maison Quillet, rue de Buci à Paris. En 1879, ce dernier aurait en effet créé une crème au beurre française à base de jaunes d’œufs, de beurre et de sirop de sucre, qui aurait ensuite été utilisée par Pierre Lacam dans sa recette de bûche de Noël.


Quoi qu’il en soit, le succès est immédiat et se répand très vite dans la bourgeoisie et la haute société du Paris de la Belle Époque. Cette élite, avide de raffinement et de nouveauté, va même populariser la bûche au-delà des frontières françaises, inspirant des variations comme le tonchetto di Natale italien ou le Bismarckeiche allemand.


En France, dès le début du 20e siècle, des recettes de bûches de Noël vont être publier et se diffuser dans le reste de la population. Il faut cependant attendre la Libération et les années 1945-1950 pour que la bûche de Noël se démocratise et qu’elle soit adoptée par la majorité des Français, jusqu’à aujourd’hui où ce dessert revêt de nombreuses formes, des plus traditionnelles aux plus extravagantes et sophistiquées.



Les pâtissiers rivalisent d’imagination pour l’adapter aux envies de chacun, et la bûche peut se faire glacée, mousseuses, ou encore aux fruits, aux marrons ou au chocolat… Pour ma part, je la préfère traditionnelle, au beurre. Et vous ?

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