Suivez-moi aujourd’hui sur un chantier de restauration que j’ai eu la chance de visiter: celui de la sublime Porte Dorée du château de Fontainebleau, l’un des rares témoignages artistiques de la Renaissance de ce haut lieu de l’Histoire de France, avec la galerie François 1er, la salle de Bal et la chambre de la Duchesse d’Etampes.
Aujourd’hui, afin de restaurer cette porte et les huit fresques réalisées par le maître italien le Primatice (1503-1570) qui en décorent les voûtes et les murs, le château a lancé une campagne de rénovation de 14 mois avec le soutien de la Fondation du Patrimoine et de son mécène Gecina, à laquelle chacun.e peut participer. Pour faire un geste historique, n’hésitez pas à vous connecter sur le site du château de Fontainebleau ou le site de la Fondation du patrimoine. Cette campagne ouverte fait suite à celle menée entre 2018 et 2021 pour la restauration du célèbre escalier en fer à cheval du château: #unGesteHistorique.
C’est à la Renaissance, sous le règne de François 1er (1515-1547), qu’un nouveau palais est bâti à Fontainebleau. Il est érigé à partir de 1528 autour d’une cour, sur les fondations du château médiéval dont ne subsiste aujourd’hui que le donjon percé de larges fenêtres. Au sud de la cour, qui ne s’appelle pas encore la cour Ovale, le roi construit une porte d’architecture italienne dont les décors et les peintures à fresques du Primatice doivent le glorifier (son chiffre, le F, est inscrit sur les chapiteaux, et son emblème, la salamandre, se tient au-dessus de la porte). Bâti en grès du Gâtinais, le pavillon, avec ses deux tourelles, reprend la forme des châtelets médiévaux français, tandis que les deux balcons superposés, formés par des arcs de triomphe antiques, créent des loggias à l’italienne.
Cette porte Dorée, qui ouvre directement vers la forêt, sert à l’époque d’entrée officielle. De prestigieux invités l’emprunteront, comme le roi d’Espagne et empereur du Saint-Empire Romain Germanique Charles Quint (1500-1558) en 1539. Elle reste la porte principale du château jusqu’à la fin du 16e siècle quand Henri IV (règne 1589-1610) décide de créer une nouvelle entrée sur la cour entre 1601 et 1606: la porte du Baptistère, nommée ainsi en référence au baptême de son fils, le futur Louis XIII (règne 1610-1643) qui se tiendra ici-même. Au 17e siècle, l’étage fera partie de l’appartement de Madame de Maintenon (1635-1719), l’épouse morganatique de Louis XIV (règne 1643-1715), puis à partir du règne de Louis XV (règne 1715-1774) au 18e, la porte servira pour les départs et les retours de chasse des rois et empereurs.
La porte Dorée doit son nom à ses décors dorés, mais on pense aussi qu’elle a pu être nommée ainsi à cause de son orientation plein sud très lumineuse, ou encore de son emplacement à l’orée de la forêt de Fontainebleau (porte d’Orée).
Les œuvres picturales qu’elle présente relatent des scènes mythologiques qui métaphorent des scènes de la vie de François 1er.
Sur le plafond du porche, deux fresques racontent un passage du Livre II des Fastes d’Ovide concernant Hercule: Hercule habillé en femme par Omphale, et Hercule surprenant Faunus qui le prenait pour Omphale. Ces scènes illustreraient en réalité le mariage de François 1er avec sa seconde épouse Éléonore de Habsbourg (1498-1558).
Sur la voûte du vestibule, six peintures illustrent les chants XIV et XV de l’Iliade d’Homère, cette épopée qui conte la guerre entre les Troyens protégés par Zeus et les Grecs soutenus par Féra et Poséidon. En filigrane, elles feraient référence à la mort du dauphin François en 1536, ou encore à l’antagonisme entre François 1er et son deuxième fils, le futur Henri II (règne 1547-1559).
Ici, dans l’ordre du récit, on trouve: sur les côtés au fond, à gauche, la défaite d’Hercule dans l’île de Cos, puis à droite, Géra éveillant Hypnos, le sommeil; au centre, au fond, Zeus s’endormant, dompté par l’amour et le sommeil; sur le côté avant à droite, Hector emporté par ses compagnons, blessé lors d’un combat contre Ajax; au centre à l’avant, Zeus se réveillant et rappelant à Héra la punition infligée pour sa fourberie; et sur le côté avant gauche, le Temps endormi sur les genoux de la Nuit.
Ces fresques ont été rénovées à plusieurs reprises, au 17e, au 19e sous Louis-Philippe (règne 1830-1848) et au 20e siècle. Des restaurations dont les produits et manipulations d’alors ont peu à peu altéré les peintures originales. C’est donc là tout le travail des équipes d’architectes, de restaurateurs et d’artisans du château. S’ils ont pour le moment cartographié les œuvres, identifié les travaux à réaliser et procédé au nettoyage, ils doivent bientôt engager les restaurations, menées avec l’appui d’un comité scientifique afin d’adapter les méthodes (laser, solvants, sable…) et de permettre un rendu au plus près de l’ouvrage d’origine. Au-delà des fresques du Primatice, ce sont aussi les décors sculptés, les menuiseries, le portique, les colonnes, les corniches et le plafond à caissons qui seront restaurés.
Rendez-vous en 2024, pour découvrir le pavillon de la Porte Dorée!
Et pour en savoir plus sur la «Maison des siècles et la véritable demeure des rois», comme l’appelait Napoléon 1er, retrouvez mes articles et podcasts concernant le château de Fontainebleau sur ce blog.
Pour faire un geste historique
Sources
Visite du chantier de la porte Dorée en présence des équipes du château
Communiqué et dossier de presse du château concernant la restauration de la porte Dorée
« Histoire du château de Fontainebleau » par Yves Carlier aux éditions Jean-Paul Gisserot
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