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LA RENAISSANCE DE LA BIBLIOTHÈQUE DE L'EMPEREUR DU CHÂTEAU DE COMPIÈGNE

Photo du rédacteur: Igor Robinet-SlanskyIgor Robinet-Slansky
Bibliothèque de l'Empereur - Château de Compiègne
Rénovation de la Bibliothèque de l'Empereur - Château de Compiègne

Située au Château de Compiègne, dans l’Oise, la Bibliothèque de l'Empereur, est un joyau du patrimoine architectural du Premier Empire (1804-1815). Soumise aux affres du temps, elle retrouve actuellement son éclat d'antan grâce à une restauration minutieuse menée depuis près de deux ans par de nombreux artisans garants de savoir-faire exceptionnels.


Ce projet, qui touchera à sa fin au printemps 2025, redonne vie à un espace chargé d'histoire, qui porte encore l’emprunte des deux empereurs qui ont fait de l’ancienne résidence royale un véritable palais impérial : Napoléon 1er (1769-1821), puis son neveu Napoléon III (1808-1873).



J’avais déjà exploré les lieux avant les travaux. J’ai eu dernièrement le privilège de les visiter en pleine rénovation et d’observer les artistes de sa renaissance en action. Je suis désormais impatient de les redécouvrir une fois restaurés.

Le travail accompli est unique. Et observer les artisans à l’œuvre, c’est toucher du doigt (ou plutôt des yeux) le patrimoine vivant exceptionnel que représentent leurs gestes, leurs techniques et leurs talents.


PRESTIGE ET INTIMITÉ DE LA BIBLIOTHÈQUE DE L’EMPEREUR


Si Compiègne est d’abord une résidence royale (depuis Charles V à la fin du 14e siècle jusqu’à Louis XVI en passant par Louis XIV et Louis XV qui y séjourneront régulièrement), le château devient Palais Impérial après la Révolution quand Napoléon 1er le redécouvre et décide de le rénover entre 1808 et 1810. C’est ici qu’après son divorce d’avec Joséphine, fin 1809, il recevra pour la première fois sa future épouse, la jeune archiduchesse d’Autriche Marie-Louise.

Napoléon réaménage ainsi les lieux, créant des appartements d’apparat comme des espaces plus privés pour lui et l’impératrice.



UNE BIBLIOTHÈQUE POUR L’EMPEREUR


L’empereur est un bourreau de travail. Il dort peu et s’attèle à la tâche dès qu’il le peut. Aussi fait-il construire en 1808 un bureau-bibliothèque à l'emplacement de l'ancien cabinet intérieur du Roi Louis XVI. Située à l’extrémité de son grand appartement, juste à côté de sa chambre, cette pièce de travail est placée en dessous de son appartement topographique où il étudie les cartes et la stratégie militaire. Il peut ainsi travailler, tout en restant proche de ses espaces personnels, mais aussi des appartements de son épouse à qui il peut rendre visite rapidement via une porte en trompe-l’œil façon bibliothèque.



UNE BIBLIOTHÈQUE IMPÉRIALE


Sous la supervision de l’architecte du palais impérial, Louis-Martin Berthault, la décoration de la bibliothèque est confiée aux peintres Dubois et Redouté, qui vont réaliser le plafond et la frise. Les décors et boiseries surmontés d’empiècements en bronze doré donnent ici à l’ensemble un style très Premier Empire.


Au centre du plafond, la sublime peinture néoclassique dessinée par Anne-Louis Girodet pour l’empereur ne sera exécutée qu’en 1815 par Dubois et Redouté, sous le règne de Louis XVIII et à la fin de la première Restauration (avril 1814 – mars 1815). Ce médaillon ovale représente Minerve, déesse de la sagesse et de l’intelligence, entourée d'Apollon, dieu de la beauté, des arts et de la poésie, et de Mercure, dieu du commerce, du voyage et messager des dieux. Il s’agit ici de démontrer que la sagesse est bien à la source de toute connaissance.



Le mobilier, signé Jacob-Desmalter et réalisé entre 1808 et 1810, est lui aussi typique du Premier Empire : massif, rectiligne, en acajou et décoré de bronze ou de dorures ostentatoires et inspirées de l’Antiquité, comme ici les assises en bois doré recouvertes d’une étoffe vert empire, ou encore les tables pliantes en bois d’acajou.


On remarque aussi le sublime et impressionnant bureau mécanique, également créé pour l’empereur par Jacob-Desmalter, et les échelles en bois qui rappellent la fonction de la pièce et permettent d’accéder aux 4000 ouvrages exposés - ce ne sont pas ceux de Napoléon, les siens ayant été dispersés en 1889, mais des livres de la bibliothèque nationale, installés ici à l’occasion de la venue du Tsar de Russie Nicolas II en 1902.


Plus tard, sous le Second Empire (1852-1870), l’empereur Napoléon III utilisera à son tour la bibliothèque de son oncle célèbre, sans vraiment en changer ni les décors, ni les aménagements.



DES RÉNOVATIONS INDISPENSABLES


Au fil du temps, la bibliothèque s’est dégradée et fragilisée, notamment à cause des transformations architecturales conduites dans le château au Second Empire (1852-70). En effet, à la demande de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie, on décide d’élever des cloisons et d’aménager des appartements à l’étage supérieur pour accueillir les invités des célèbres séries de Compiègne – ces séjours très prisés qui, chaque automne, pendant plus d’un mois, rassemblaient en séries hebdomadaires une centaine d’invités parmi les personnalités artistiques, scientifiques et aristocratiques les plus influentes de l’époque.


Malheureusement, la structure n’était pas prévue pour supporter un tel poids. Ainsi, depuis plusieurs années, le plafond peint présentait des fissures et des décollements, tandis que les lambris, le parquet et les menuiseries montraient des signes de vieillissement.


Pour préserver ce patrimoine exceptionnel, le ministère de la Culture a donc lancé un vaste chantier de restauration sous la maîtrise d'ouvrage de l'Oppic (l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture), dirigé par l'architecte en chef des monuments historiques, Pierre Bortolussi.


À BIBLIOTHÈQUE EXCEPTIONNELLE, CHANTIER D’EXCEPTION


Le chantier de restauration, débuté en septembre 2023, est un projet complexe qui doit allier les savoir-faire techniques au strict respect du patrimoine. C’est aussi une opération longue qui doit durer plus d’un an et demi – rien que le retrait des 4000 ouvrages exposés a pris plusieurs jours, tandis que la rénovation de quelques mètres carrés de parquet peut prendre plusieurs semaines.


Les travaux ont ainsi d’abord nécessité une stabilisation structurelle du plancher haut, grâce, notamment, à une méthode innovante d’injection de résine. Mêlant savoir-faire traditionnels et techniques de pointes, ce sont ensuite les menuiseries, les parquets de type « Versailles », les décors peints et les dorures, ou encore les soieries murales vert empire qui ont nécessité toute l’attention des restaurateurs. Enfin, pour améliorer les conditions de conservations et de visite de l’ensemble de la pièce, les systèmes de chauffage, de ventilation et l’électricité ont été modifiés.



DES ARTISANS ET DES MÉTIERS UNIQUES


La restauration de la bibliothèque a mobilisé une équipe pluridisciplinaire de spécialistes. Ce sont ainsi une dizaine d’entreprises spécialisées, neuf corps de métiers et une cinquantaine d’artisans qui se sont succédé ou ont travaillé main dans la main pour relever les défis d’une telle rénovation historique, parmi lesquelles :


  • Les entreprises Charpentier PM et Les Métiers du bois ont travaillé ensembles à la consolidation de la structure de la bibliothèque, et en particulier du plafond.

  • Les ateliers ARCOA ont supervisé et réalisé la restauration des dorures et des décors peints grâce à des techniques modernes pour redonner vie aux œuvres tout en respectant leur authenticité – la rigoureuse minutie et le talent de leurs artisans sont remarquables et fascinants à observer.

  • Les Ateliers de la Chapelle, spécialisés dans l'ébénisterie, ont restauré les meubles en acajou et les boiseries doré, en utilisant des bois de même essence, retravaillés pour garantir une réintégration parfaite aux décors d’origine – je les ai vu à l’œuvre, c’est bluffant.

  • L’entreprise Baty Dominique, responsable des menuiseries intérieures et extérieures, a pris en charge la restauration et la remise en place du parquet et des huisseries. Son savoir-faire est d’une grande précision, et il faut de la patience pour réparer ou remplacer des éléments sans que l’on puisse distinguer les nouveaux des originaux.

  • L’Atelier de Tapisserie de Franck a remarquablement remis en état les tissus tendus qui ornent certaines parties des murs. Il lui a fallu du temps et de la rigueur pour réussir à retrouver les tonalités et la qualité des tissus de l’époque.

  • Les entreprises LD Électricité et Missenard Climatique ont contribué à la modernisation des systèmes électriques et de chauffage pour renforcer les conditions de conservation des œuvres et des décors.


UNE RÉOUVERTURE PROCHAINE AU PUBLIC


On ne peut donner de date exacte de réouverture, mais la Bibliothèque de l’Empereur devrait retrouver ses visiteurs dans les prochains mois, pour le plus grand bonheur des passionnés d’histoire et de patrimoine. Les livres réintègreront leurs étagères, protégés derrière des parois en verre, tout comme les rideaux de soie verte, les meubles et objets de l’Empereur retrouveront leurs emplacements.


Plus d’informations et de détails à venir très bientôt sur le site du château de Compiègne et ici, sur les médias Les Carnets d’Igor.

SOURCES


  • Visite presse du chantier de restauration

  • Dossier de Presse dédié à la restauration de la bibliothèque

  • Guide de visite « Musées nationaux du château de Compiègne » aux éditions de la Rmn-Grand Palais


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