Aujourd’hui, je vous emmène au sud et en contrebas de la célèbre Butte de Montmartre à Paris, dans un lieu qui, à première vue, n’invite pas forcément à la promenade… et pourtant ! C’est un endroit paisible, riche d’histoire et de personnalités célèbres : le cimetière de Montmartre !
Souvent éclipsé par le Père Lachaise, plus célèbre et connu, le cimetière de Montmartre est pourtant un lieu digne d’intérêt en plein Paris, au pied du village touristique de Montmartre. C’est d’ailleurs le troisième cimetière de Paris intramuros par sa taille après ceux du Père Lachaise et de Montparnasse.
D’un point de vue historique, vous allez le voir, ce cimetière vaut le détour avec ses étonnantes chapelles, ses nombreuses sculptures et bien sûr ses 21 500 sépultures, dont plus de 350 accueillent des personnalités artistiques et littéraires du 19e, 20e et même 21e siècles.
Mais c’est aussi un lieu peu fréquenté et pourtant très approprié pour ceux qui cherchent un espace calme et proche de la nature en plein Paris. Avec une superficie de près de 11 hectares, le terrain au relief accidenté du cimetière de Montmartre est très arboré avec 783 arbres de 38 essences différente : érables, marronniers, tilleuls et thuyas…
Pour en savoir, plus, je vous propose tout d’abord un point rapide sur l’histoire du cimetière de Montmartre, avant de vous partager la visite que j’en ai faite cet hiver, et où je vous présenterai certaines des sépultures incontournables ou marquantes que j’ai pu observer.
L’Histoire du Cimetière de Montmartre
Pour commencer, il faut savoir que l’actuel cimetière de Montmartre n’est pas historiquement la nécropole originelle de ce quartier.
En effet, avant d’être rattaché à Paris en 1860, en vertu de la loi d’extension de la capitale promulguée au Second Empire, le Village de Montmartre était une commune indépendante.
Jusqu’à la Révolution, le cimetière du Calvaire était le seul cimetière du village.
Créé en 1688 par les abbesses bénédictines de l’Abbaye Royale de Montmartre, il existe toujours aujourd’hui. C’est d’ailleurs le plus petit cimetière de la capitale. Malheureusement, il n’est ouvert qu’à la Toussaint, le 1er novembre. Il est situé juste à côté de l’église Saint-Pierre de Montmartre, non loin du sacré Cœur (bâti, lui entre 1875 et 1914, donc bien après). Fondée en 1134, c’est la plus vieille église existant encore à Paris après celle de Saint-Germain-des-Prés.
Pendant la Révolution, l’abbaye comme le cimetière du Calvaire vont être démantelés (les biens du clergé sont alors considérés comme biens nationaux). Si l’abbaye est alors détruite, et la dernière abbesse guillotinée en 1793, le cimetière du Calvaire est nationalisé et devient la propriété de la commune de Montmartre en 1791. Il restera fermé pendant cette période de troubles.
En parallèle, une fosse commune est créée dans les anciennes carrières de gypse qui servaient à fabriquer le plâtre de Montmartre. Dès l’été 1792, on va y enterrer les victimes des émeutes de la Révolution, notamment les corps des Gardes Suisses exécutés par les insurgés révolutionnaires au Palais des Tuileries le 10 août 1792. Cette fosse commune prend le nom de cimetière de la Barrière Blanche, du nom de son emplacement sur les carrières. Ça n’est cependant encore qu’un petit enclos et non un cimetière à proprement parler.
Le cimetière du Calvaire, qui va rouvrir en 1801 après la Révolution, reste en effet le cimetière de référence pour Montmartre. Mais, trop petit, il n’accueille surtout que l’aristocratie montmartroise de retour d’exile et quelques meuniers qui travaillent encore dans les moulins de la Butte. Rapidement saturé, il va devoir refermer ses portes en 1823 et sera remplacé à partir de 1830 par un nouveau cimetière pour accueillir les habitants du quartier : le cimetière de Saint-Vincent. Pour information, ce cimetière est toujours utilisé aujourd’hui, et c’est ici qu’a été inhumé Michou en janvier 2020, vous savez, le célèbre propriétaire du Cabaret transformiste « Chez Michou ».
Cependant, à la fermeture du cimetière du Calvaire, et avant la construction de celui de Saint-Vincent, on va décider d’agrandir et de développer le cimetière de la Barrière Blanche -la fosse commune ouverte sous la Révolution. Le cimetière de la barrière blanche prendra successivement le nom de cimetière sous Montmartre, puis de Champ du Repos.
Pourquoi choisit-on de l’agrandir et de le développer ?
A cette période, pour cause d’hygiène, on va fermer tous les grands cimetières de Paris intramuros. Ainsi, au-delà des habitants de Montmartre, il va falloir accueillir les corps de tous les Parisiens qui seront répartis dans de nouveaux cimetières créés en dehors de Paris : le cimetière de Montmartre au nord, le cimetière du Père-Lachaise à l'est, le cimetière du Montparnasse au sud et le cimetière de Passy à l'ouest.
C’est ainsi que l’ancienne fosse commune du cimetière de la Barrière Blanche, où les corps étaient inhumés dans des conditions assez déplorables, va se structurer et s’assainir.
Et en 1825, est inauguré le grand cimetière du Nord, clôturé et protégé contre les pilleurs de sépultures qui sévissaient dans les cimetières parisiens.
Point Anecdote ! A propos de la protection de ce cimetière, elle va faire le malheur d’un de ses gardiens. M. de Vaulabelle, conservateur du cimetière de Nord, avait inventé un système ingénieux de pièges anti-profanation avec mise à feu pour dissuader et même punir les intrus qui tenteraient de dégrader ou voler les sépultures. Mais le 15 janvier 1856, alors qu’il fait une ronde de surveillance, il va être victime de son ingéniosité, et s’envoyer malencontreusement une décharge fatale en pleine poitrine !
Revenons à notre cimetière. De cimetière du Nord, il devient rapidement le cimetière de Montmartre qui va être rattaché à la ville de Paris en 1860, comme le village de Montmartre. En 1888, après de nombreuses polémiques, on va construire un pont métallique au-dessus de ce cimetière. C’est le pont Caulaincourt que vous pouvez toujours voir et emprunter aujourd’hui. Il relie la Place de Clichy, à Paris, et la Butte Montmartre alors récemment rattachée à la capitale.
Maintenant que vous en savez plus sur l’histoire du cimetière de Montmartre, je vous propose d’y entrer pour s’y promener et y rencontrer, au détour des allées, les personnalités artistiques et les célébrités qui y reposent.
Visite guidée du cimetière de Montmartre
L’entrée du cimetière de Montmartre se fait en contrebas de la Butte, au 20 de l’avenue Rachel dans le 18e arrondissement de Paris. Avant même d’entrer dans le cimetière, une question nous taraude : qui est cette Rachel ?
Point anecdote ! Qui est la Rachel de l’avenue Rachel ?
Vous le savez, le cimetière de Montmartre accueille de nombreuses sépultures d’artistes du 19e et 20e siècles. L’avenue, qui n’a d’avenue que le nom car c’est en fait une ruelle en impasse, porte donc le nom d’une de ses personnalités qui ont fait la réputation du Paris artistiques du 19e siècle (Rachel est cependant enterrée au Père Lachaise). Elisabeth-Rachel Félix est une actrice d’origine suisse, née en 1821, dont les parents se sont installés en France pour tenter de sortir de leur vie de misère. Chanteuse de rues, musicienne, elle entre au conservatoire d’art dramatique et débute une carrière de comédienne au théâtre du Gymnase. Mais c’est en entrant au Théâtre-Français, c’est-à-dire à la Comédie Française, que celle qu’on appelle désormais Rachel ou Mademoiselle Rachel connait le succès. Talentueuse, Rachel devient une grande tragédienne et une véritable « star » avant l’heure, admirée par Victor Hugo et même reçue par le Roi de Prusse. Rachel va malheureusement mourir de la tuberculose en pleine gloire en 1858 à l’âge de 36 ans. Pour information, Rachel est à l’origine de la première jurisprudence française sur le droit à l’image. Après son décès, un journal publie une gravure la représentant sur son lit de mort. La sœur de l’actrice va alors engager des poursuites et le média sera condamné par le tribunal. Une première en France !
Maintenant que vous en savez plus sur Mademoiselle Rachel, entrons dans le cimetière.
La première tombe « célèbre » que l’on croise est celle du dramaturge, acteur, metteur en scène, réalisateur et scénariste Alexandre Guitry, dit Sacha Guitry. Il est né le 21 février 1885 à Saint-Pétersbourg et mort le 24 juillet 1957 à Paris. Il fait partie de ces hommes du théâtre et du cinéma qui ont marqué l’histoire et que l’on retrouve ici.
Nous montons les quelques marches qui se trouvent sur la droite et empruntons l’avenue des Polonais. Nous continuons à monter dans cette allée bordée de chapelles et sépultures plus ou moins anciennes, mais souvent majestueuses. L’avenue des Polonais devient le chemin des gardes en haut duquel se trouve la tombe la plus visitée du cimetière : celle de Dalida.
Chanteuse et actrice italienne, véritable icône de la variété française des années 60 aux années 80, Iolanda Gigliotti, dite Dalida, est née le 17 janvier 1933 au Caire (Égypte). Elle se donnera tragiquement la mort dans sa villa montmartroise le 3 mai 1987. Amoureuse inconditionnelle de Montmartre où elle a vécu la majorité de sa vie parisienne (sa maison est encore visible au 11 de la rue d’Orchampt, une petite ruelle calme et charmante près de la rue Lepic), il était logique qu’elle repose au cimetière de Montmartre.
Redescendons un peu le chemin des Gardes avant de bifurquer sur la droite. Là, en haut de l’escalier qui redescend vers les prochaines allées à explorer, ne manquez pas la vue que l’on a sur l’ensemble du cimetière. Nous redescendons quelques marches, passons sous le pont métallique de Caulaincourt, et nous trouvons sur un rond-point. En face, à droite, se trouve la tombe d’Emile Zola, ou plutôt son cénotaphe.
Point anecdote ! Qu’est-ce qu’un cénotaphe ?
Alors c’est très simple, un cénotaphe est monument funéraire vide, élevé à la mémoire d’une personne ou d’un groupe de personnes. Contrairement au mausolée ou à la sépulture qui contiennent le ou les corps des défunts, le cénotaphe est un édifice uniquement mémoriel. Ici, les cendres d’Emile Zola ayant été transportées au Panthéon le 4 juin 1908, sa tombe est donc vide, et le monument que l’ont observe est donc un cénotaphe en la mémoire de cet écrivain et journaliste né le 2 avril 1840 à et mort le 29 septembre 1902 Paris.
A partir du cénotaphe d’Emile Zola, je vous propose de vous perdre au fil des allées et de vous laisser happer par la beauté des lieux et des différentes sépultures, parfois grandioses, parfois confidentielles, souvent marquées par les affres du temps, mais toujours pleines d’émotion.
Je vous propose de faire des focus sur une sélection de tombes célèbres et sur celles qui m’ont marqué, en vous indiquant leur position, bien sûr, et quelques lignes sur les personnes qu’elles accueillent. Mes nombreuses photos tenteront de vous faire ressentir l’atmosphère unique qui se dégage des allées de ce cimetière riche d’Histoire et d’histoires.
Nous étions donc près du cénotaphe d’Emile Zola. Nous continuons maintenant notre parcours à travers les sépultures alentour où le lierre et la mousse prennent parfois le dessus sur la dureté de la pierre ancienne, dégageant une atmosphère presque féérique.
Nous arrivons ensuite dans la partie du cimetière réservée aux sépultures juives, entre l’avenue Hector Berlioz, l’avenue Cordier et le chemin Halévy. Nous nous retrouvons alors face à une tombe impressionnante avec une sculpture colossale en bronze qui copie le Moïse de Michel-Ange qui avait été sculpté pour la tombe du Pape Jules II en Italie. Si on s’approche, on peut lire qu’il s’agit de la sépulture d’un certain Osiris.
Point anecdote ! Qui est cet Osiris parisien qui se paye une statue majestueuse au cœur du cimetière de Montmartre ?
Rien à voir avec le dieu de l’Egypte antique ! Notre Osiris est en fait Daniel Iffla, né à Bordeaux le 23 juillet 1823 dans une famille juive modeste. Après des études à Paris et grâce à ses qualités d’observateur éclairé, il va connaitre une ascension fulgurante dans les milieux financiers et faire fortune dans la banque. Mais après la mort de sa femme Léonie en 1955, il va décider de se consacrer au mécénat et à la philanthropie. Il va ainsi contribuer à la restauration de nombreux monuments historiques, et en bâtir d’autres notamment à Paris mais aussi à Bordeaux, sa ville natale. En 1861, il prend officiellement le patronyme d’Osiris en référence au dieu égyptien connu pour ses qualités de « bienfaisant et de civilisateur ». A sa mort le 5 février 1907, il lègue la majeure partie de son immense fortune à l’Institut Pasteur. Osiris était aussi propriétaire du château de Malmaison, l’ancienne résidence de l’impératrice Joséphine. De son vivant, il va s’attacher à la remeubler. Il va aussi rassembler de nombreuses reliques de l’Empereur Napoléon 1er qu’il admire. A sa mort, Osiris va léguer la Malmaison à l'État à condition qu'on y poursuive le retour du mobilier d'origine. D’ailleurs, si vous visitez le château de Malmaison, vous verrez qu’un Pavillon Osiris se trouve à l’entrée. Il présente encore la collection napoléonienne du mécène. Enfin, selon la volonté d’Osiris, sa tombe du cimetière de Montmartre se situe à la limite des parties juive et chrétienne. Pourquoi ? tout simplement parce qu’il peut ainsi reposer près de sa femme Léonie qui, elle, était chrétienne.
Restons dans cette partie du cimetière. A quelques mètres d’Osiris, se trouve le caveau de la famille Camondo. Y sont inhumés Moïse de Camondo, un banquier et collectionneur d'art italien d'origine turque né à Istanbul le 15 mars 1860 et mort à Paris le 14 novembre 1935, et son fils Nissim de Camondo, également banquier et collectionneur né le 23 septembre 1892 et mort lors de la Première Guerre Mondiale le 5 septembre 1917. Depuis 1936, l’hôtel particulier de la famille, situé aux abords du Parc Monceau, rassemble les collections familiales. Ce Musée Nissim de Camondo dédié aux Arts Décoratifs est encore ouvert à la visite et je vous invite à le découvrir quand vous pourrez, si ce n’est déjà fait.
Poursuivons dans le cimetière par les avenues Cordier et Berlioz.
Il y a une tombe que j’ai trouvée assez émouvante, c’est celle du peintre orientaliste Gustave Guillaumet (26 mars 1840-14 mars 1887). On est impressionné par la statue de bronze réalisée par le sculpteur Barrias qui trône sur la sépulture. La jeune fileuse qui est représentée s’inspire d’une œuvre du peintre « Les Fileuses de Bou Saada ». Très expressive, elle paraît presque vivante, comme veillant avec tristesse sur son maître. Mais regardez bien ses yeux. Ils paraissent clos mais en réalité ils vous regardent !
Après quelques pas, avenue Cordier, je tombe nez à nez avec une tombe plus récente mais néanmoins très originale : celle de Joseph Ezri (mort le 20 février 2002) et de sa femme Jacqueline. Je n’ai pas trouvé d’information sur qui ils étaient exactement, mais leur sépulture est bien différente des autres. Toute en mosaïques de couleurs, il faut s’y attarder pour bien observer tous les symboles qui s’y trouvent : un poème, des chiffres, un livre ouvert, le soleil, le ciel bleu, la végétation… libre à vous d’interpréter chacune des touches créatives de cette œuvre étonnante !
En continuant dans les allées alentour bordées de sculptures et de sépultures, dirigeons-nous avenue de Montebello pour observer la tombe du célèbre peintre Edgar Degas. De son véritable nom Hilaire Germain Edgar de Gas, il est né à Paris le 19 juillet 1834 et mort le 27 septembre 1917.
Et à quelques mètres de là, une chapelle gothique surprenante nous interpelle par la richesse de ses décors, avec ses trois clochetons, ses statues, ses dorures et ses pierres colorées. Il s’agit de la tombe de la Comtesse Marie Potocka, Princesse Soltikoff, née à Saint- Pétersbourg le 4 février 1807 et décédée à Paris le 21 janvier 1845. On raconte que l’architecte Jacques-Ignace Hittorff (1792-1867), apprenant le décès de la Princesse dont il était tombé sous le charme, s’est proposé de réaliser une sépulture grandiose à l’image de la belle qui y repose. Légende ou vérité, on ne le saura jamais !
Non loin de là, sur l’avenue de Montebello, la tombe du Belge Adolphe Sax (6 nov. 1814-7 fév. 1894) nous apprend qu’il est l’inventeur du saxophone. Et pour rester dans le thème musical, à quelques pas de là, avenue Carrière, se trouve la tombe plus récente de la chanteuse Carole Fredericks (5.06.1952-7.06.2001), connue notamment pour avoir chanté aux côtés de Jean-Jacques Goldman dans les années 1990.
Poursuivons ensuite sur l’avenue des Anglais où, après quelques très belles tombes en fer forgé recouvertes de lierre, vous pourrez observer la tombe du compositeur et violoncelliste allemand naturalisé français, Jacques (Jacob) Offenbach, né à Cologne le 20 juin 1819 et mort à Paris le 5 octobre 1880. Inventeur de l’Opéra-Bouffe et grand compositeur d’opérettes, il a marqué la scène musicale du 19e siècle, et notamment du Second empire. Ces œuvres sont devenues des classiques, comme la Belle Hélène, la Vie Parisienne, ou les Contes d’Hoffmann dont vous connaissez forcément l’air du comte « Orphée aux Enfers » qui accompagne désormais le célèbre French Cancan des danseuses du Moulin Rouge.
Plus loin, avenue Samson dans la 22e division du cimetière, on est surpris par une statue de clown triste assis sur une tombe. Il s’agit de la sépulture du danseur russe Vatslav Nizhinski, né à Kiev le 28 février 1889 et mort à Londres le 8 avril 1950. La statue représente le danseur, assis et mélancolique, dans le costume de Petrouchka, héro du ballet du même nom composé par Igor Stravinsky au début du 20e siècle. Vastlav Nizhinski fut le premier à le jouer au théâtre du Châtelet.
A l’angle de l’avenue du tunnel et de l’avenue Samson, j’ai été surpris par un monument funéraire entièrement bleu. Il s’agit du caveau des familles Cavé et Lemaître. Je ne crois pas qu’ils soient si connus, mais leur sépulture vaut d’être admirée.
Non loin de là, arrêtez-vous sur la tombe de Robert Didsbury. Une magnifique sculpture trône sur le monument funéraire de ce jeune homme, tristement décédé à 20 ans en 1971. Cette œuvre intitulée « la Douleur » a été réalisée par sa mère, la sculptrice Jacqueline Didsbury (1910-1995). Je dois dire que cette sculpture de bronze porte bien son nom tant l’expression de tristesse de la femme représentée est réaliste (on dit que ce serait Jacqueline Didsbury elle-même !).
Ensuite, avenue de Montmorency, nous pouvons observer un imposant monument funéraire. Il s’agit de celui d’Alexandre Dumas Fils, né le 27 juillet 1824 à Paris et mort le 27 novembre 1895. Comme son père Alexandre Dumas, connu pour ses romans comme les Trois Mousquetaires, le Comte de Monte-Cristo ou encore la reine Margot, Alexandre Dumas Fils est un écrivain célèbre dans la 2e moitié du 19e siècle, et notamment sous le Second Empire. Il est notamment l’auteur de la Dame aux Camélias qui a fait sa renommée. Dans ce roman, le personnage de Marguerite Gautier est inspiré d’une célèbre courtisane française dont Alexandre Dumas Fils était épris. Cette courtisane, Rose Alphonsine Plessis, comtesse de Perregaux, dite Marie Duplessis, née en 1824 et morte en 1847, est elle-aussi inhumée au cimetière de Montmartre, dans la division 15.
Dans cette même partie du cimetière, j’ai croisé nombres de tombes intéressantes dont celle de l’écrivain allemand Heinrich Heine, 13 décembre 1797 à Düsseldorf et mort le 17 février 1856 à Paris.
Arrivés avenue de la Croix, nous nous rendons sur la tombe d’Henri Beyle, plus connu sous le nom de Stendhal. Non pas que cette sépulture soit particulièrement étonnante, mais le célèbre auteur du Rouge et le Noir, qui est né le 23 janvier 1783 à Grenoble et mort le 23 mars 1842, fait partie des personnalités incontournables du cimetière de Montmartre.
Puis au croisement de l’avenue de Montmorency et de l’avenue de la Croix, nous tombons sur un monument plus moderne, conçu comme un jardin zen japonais. Il s’agit de la tombe du chanteur-compositeur Michel Berger (28 nov. 1947-2 août 1992) et de sa femme, la chanteuse France Gall (9 oct. 1947-7 jan. 2018).
Je vous laisse ensuite flâner dans l’avenue de Montmorency où vous pourrez voir notamment cet impressionnant monument funéraire, cet obélisque sous lequel repose la famille de Montmorency justement.
Nous avançons ensuite et nous retrouvons au niveau du rond-point non loin de l’entrée du cimetière. Ici, en bordure d’allée, se trouve une tombe plutôt simple, mais qui accueille une personnalité incontournable du Montmartre de la Belle Epoque : Louis Weber, dite la Goulue.
Point anecdote ! Mais qui est donc celle qu’on appelle la Goulue ?
Louise Weber, dite La Goulue, est née le 12 juillet 1866 à Clichy et morte le 29 janvier 1929 (à 62 ans) à Paris, dans le 10e arrondissement. Issue d’une famille modeste, elle développe très jeune des talents de danseuse. A 16 ans, elle découvre le bal du Moulin de la Galette, à Montmartre, où elle se fait remarquer.
Blanchisseuse le jour, modèle pour les photographes et les peintres, dont Renoir, le reste du temps, Louise va ensuite débuter une carrière de danseuse au cirque Fernando, un cirque sédentaire, à l’image du Cirque d’Hiver, qui n’existe plus aujourd’hui mais qui se situait entre Blanche et Pigalle. Elle y fait ses armes d’artiste avant de devenir danseuse professionnelle à L’Elysée-Montmartre, en bas de la Butte, puis dans des lieux de nuit du quartier de Montparnasse. C’est là qu’elle apprend à danser le célèbre Cancan. Son lever de jambe qui soulève ses jupons et qui, de la pointe des pieds lui permet de faire voler les chapeaux des hommes, font sa renommée. Son premier mentor, Gaston Goulu Chilapane, mais aussi son habitude à vider les verres des clients pendant qu’elle danse et passe à leur table, lui donnent alors le nom de « la Goulue ».
Dès 1889, à l’ouverture du bal du Moulin Rouge par Charles Zidler et Joseph Oller, place Blanche, la Goulue tient le haut de l’affiche avec son associé, le danseur et contorsionniste, Valentin le Désossé. A eux deux, ils font la renommée du Moulin Rouge, notamment avec leur danse appelée « le chahut » qui deviendra rapidement le célèbre French Cancan. Elle devient un des modèles favoris de Toulouse-Lautrec et remplit les salles de spectacle parisiennes comme le Jardin de Paris, où elle n’hésite pas à interpeler le prince de Galles, futur roi Édouard VII, en lui lançant, avec sa gouaille parisienne : « Hé, Galles ! Tu paies l'champagne ! C'est toi qui régales, ou c'est ta mère qui invite ? ». Un phénomène connu internationalement, donc, cette Goulue !
En pleine gloire elle quitte le Moulin Rouge pour se lancer à son compte dans des spectacles dans les fêtes foraines. Elle décline alors, ne vivant entourée que de rejetés de la société ou des animaux de cirque et des chiens et chats qu’elle recueille. Elle meurt pauvre le 29 janvier 1929 et est enterrée à Pantin. En 1992 sous l’impulsion de son arrière-petit-fils, le maire de Paris Jacques Chirac fait transférer ses cendres au cimetière de Montmartre. Contrairement à son premier enterrement, cette fois de nombreuses personnalités assistent à l’événement dont La Toya Jackson, la sœur de Michael, Jackson, qui se produisait à l’époque au Moulin Rouge.
Maintenant que vous en savez plus sur la célèbre Goulue, j’espère que vous prendrez le temps de vous arrêter sur sa modeste tombe avant de sortir du cimetière de Montmartre. Avant cela, autour du rond-point, admirez le monument funéraire imposant et original de la famille Delamarre ou le gisant de Godefroy Cavaignac.
Ainsi s’achève ma visite du cimetière de Montmartre. Sachez qu’il y a de nombreuses autres personnalités à visiter, mais aussi beaucoup d’autres belles sépultures à découvrir. Je ne vous ai présenté ici qu’un aperçu d’une visite de quelques heures dans ce jardin funéraire empli d’histoires et de secrets.
Parmi les autres personnalités qui y sont inhumées, vous avez le compositeur Hector Berlioz, le comédien Jean-Claude Brialy, le musicien Fred Chichin des Rita Mitsouko, l’écrivain Théophile Gautier, les frères Goncourt, le cinéaste François Truffaut, ou plus récemment Jeanne Moreau. A vous de vous laisser porter et de vous perdre dans les allées de ce jardin funéraire à la fois paisible, romantique et mystérieux.
Mon avis sur cette visite
Le cimetière de Montmartre est certainement moins vaste et moins connu que le Père Lachaise, mais je trouve qu’il a justement le charme des lieux authentiques.
Dans le quartier très touristique de Montmartre, c’est un point de respiration que je recommande pour découvrir au fil des allées ceux qui ont fait la vie artistique, nocturne et littéraire du Village de Montmartre au fil des années.
Même si je trouve que le mieux pour visiter le cimetière de Montmartre est de se promener et de découvrir les sépultures au gré de la balade, vous trouverez un plan à l’entrée du cimetière qui vous indique les points d’intérêt et les tombes des personnalités inhumées. Vous pouvez aussi préparer votre visite en retrouvant ce plan sur Internet.
Informations Pratiques
D’un point de vue pratique, le cimetière de Montmartre est accessible en transport en commun sans difficulté.
Pour être sûr des jours et horaires d’ouverture, rendez-vous sur le site de la ville de Paris, dans la section « équipements ».
Sources
- Le Guide Vert Michelin « Paris, 75 idées de promenades »
- Le site Wikipédia, bien sûr, même s’il faut bien en vérifier les sources.
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