Le 28 juillet 1840 était inaugurée la colonne de Juillet au centre de la célèbre place de la Bastille, à Paris. Elle commémore révolution des 27, 28 & 29 juillet 1830, la deuxième après la Révolution française de 1789.
Ces trois journées d’émeutes, de barricades et de combats, appelées les Trois Glorieuses, conduiront à la chute du roi de France en place, Charles X (règne : 1824-1830). Elles porteront ensuite au pouvoir son cousin, Louis-Philippe d’Orléans (1773-1850) : c’est le début de ce qu’on appellera la monarchie de Juillet (1830-1848).
Mais quelle est l’histoire de ces journées révolutionnaires des Trois Glorieuses ? Qui est Louis-Philippe d’Orléans qui gouvernera la France pendant près de 18 ans ?
LOUIS-PHILIPPE D’ORLÉANS : LE RÉVOLUTIONNAIRE BOURGEOIS
Louis-Philippe d’Orléans est le dernier roi à avoir régné en France. Il accède en effet au pouvoir après la Restauration (1814/15-1830), cette période qui, après les troubles révolutionnaires (1789-1795), le Directoire (1795-1799), puis le Consulat (1799-1804) et le Premier Empire de Napoléon 1er (1804-1814/15), avait marqué le retour sur le trône de deux rois successifs : les frères de Louis XVI, Louis XVIII (règne 1814/15-1824) et Charles X (règne 1824-1830).
Louis-Philippe, duc d’Orléans, prince de sang et descendant direct de Louis XIII, est issu de la dynastie des Orléans, branche cadette de celle des Bourbon, la dernière dynastie régnante sous l’ancien régime (d’Henri IV à Louis XVI) et à la Restauration (Louis XVIII & Charles X).
Né au Palais Royal, à Paris, le 6 octobre 1773, Louis-Philippe, duc de Valois, de Chartres puis d’Orléans, est le fils aîné de Louise-Marie de Bourbon-Penthièvre et de Louis-Philippe-Joseph d’Orléans.
Son père, surnommé Philippe Égalité, s’est engagé en faveur de la Révolution. Il votera d’ailleurs pour la mort du roi. La jeunesse de Louis-Philippe est donc marquée par les bouleversements politiques, et comme son père, il s'aligne avec les idées révolutionnaires. Il rejoint ainsi le club des Jacobins en 1790, et sert dans les armées du Nord pendant la guerre contre l'Autriche. Après la défaite de Neerwinden en 1793, il se réfugie en Suisse puis à Hambourg, où il enseigne pour subvenir à ses besoins. Il voyage ensuite en Scandinavie et aux États-Unis, avant de revenir en Angleterre en 1800.
En 1809, il épouse Marie-Amélie de Bourbon-Siciles (1782-1866), l’une des nièces de la défunte reine Marie-Antoinette. Le couple s'installe en Sicile avant de retourner en France avec Louis XVIII en 1814. Bien qu’éloigné de la politique, Louis-Philippe d’Orléans devient populaire parmi les bourgeois libéraux grâce à sa simplicité apparente et son rejet des traditions aristocratiques. Il ne le sait pas encore, et ne le souhaite sûrement pas, mais bientôt, la révolution de Juillet 1830 en fera l’homme providentiel pour diriger la France.
LA RÉVOLUTION DES TROIS GLORIEUSES : DE LA CHUTE DE CHARLES X À L’AVÈNEMENT DE LOUIS-PHILIPPE 1er
Lorsque le 16 septembre 1824, Louis XVIII meurt, c’est naturellement que son frère, Charles-Philippe, comte d’Artois, lui succède, sous le nom de Charles X. Contrairement à son frère, le 29 mai 1825, il décide d’organiser une cérémonie de sacre à Reims, comme la tradition d’Ancien Régime l’exigeait pour les nouveaux monarques. Ce sacre d’un autre temps surprendra l’opinion et marquera les prémices d’un règne effectivement nostalgique de la monarchie d’Ancien Régime.
CHARLES X : VERS UN RETOUR À LA SOCIÉTÉ D’ANCIEN RÉGIME ?
Alors que Louis XVIII avait ouvert la voie à une monarchie plus en phase avec l’héritage révolutionnaire, Charles X apparaît plus conservateur et désireux de revenir sur les acquis libéraux. Le nouveau roi, fervent conservateur soutenu par les ultraroyalistes, s’efforce de restaurer la société d’Ancien Régime et les privilèges de la noblesse et de l'Église, et tente d’effacer la Révolution de 1789. Un retour à la rigueur qui engendre un mécontentement croissant parmi la population, particulièrement chez les libéraux et la bourgeoisie qui désirent plus de libertés politiques et économiques.
Ces mécontents n’empêchent pas Charles X de prendre une série de mesures autoritaires, parmi lesquelles: la limitation du droit de vote, l’indemnisation des nobles qui avaient émigré (mesure qu’on appellera le « milliard des émigrés »), ou encore par exemple, l’instauration d’une loi sur le Sacrilège afin de redonner à la France une identité et une morale toute chrétienne…
Finalement, après plusieurs dissolutions de la Chambre des Députés (l’Assemblée), et une alternance de ministères plus ou moins modérés - et surtout plus ou moins compétents -, d’ultimes élections ont lieu en juillet 1830. Elles renforcent l’opposition libérale au régime monarchique de Charles X.
Le 25 juillet, s’appuyant sur la Charte constitutionnelle qui régit la vie politique et juridique du pays, le roi signe les "Ordonnances de Saint-Cloud", quatre décrets qui suspendent la liberté de la presse, dissolvent la Chambre des députés récemment élue, modifient la loi électorale pour réduire le nombre de votants, et fixent de nouvelles élections au 6 et 13 septembre 1830 sous un régime encore plus restrictif. Ces ordonnances, perçues comme un coup d'État contre les libertés constitutionnelles, déclenchent une réaction immédiate. Paris se soulève, des barricades sont dressées et des combats éclatent du 27au 29 juillet. Une ferveur populaire qui inspirera le célèbre tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple, et qui poussera Charles X à abdiquer.
LES TROIS GLORIEUSES : LA CHUTE RAPIDE DE CHARLES X
Voici, en résumé, le déroulé de ces Trois Glorieuses.
27 Juillet : Le Commencement
Le matin du 27 juillet, les Parisiens découvrent les ordonnances dans les journaux. Des journalistes et des imprimeurs, furieux de la censure, appellent à la résistance. Les premiers affrontements éclatent entre les manifestants et les forces de l'ordre. Des barricades commencent à se former dans les rues de Paris.
28 Juillet : L’Insurrection
Le 28 juillet, les émeutes s'intensifient. Les insurgés, composés de travailleurs, d'étudiants et de membres de la garde nationale dissoute, prennent le contrôle de l'Hôtel de Ville et d'autres points stratégiques de la capitale. L'armée royale, bien que supérieure en nombre et en armement, ne parvient pas à réprimer la révolte en raison de sa désorganisation et du manque de motivation de ses troupes.
29 Juillet : La Victoire des Révolutionnaires
Le 29 juillet, la situation devient critique pour Charles X. Les insurgés contrôlent la majorité de Paris et les désertions augmentent parmi les soldats royaux. Devant l’imminence de la chute, Charles X fuit Paris et se réfugie au château de Rambouillet.
2 août 1830 : l’abdication
Replié à Rambouillet, Charles X abdique en faveur du duc de Bordeaux, son petit-fils. Cependant, la Chambre des députés ne l’entend pas ainsi, et le 7 août 1830, le trône est déclaré vacant. Les députés libéraux proposent alors la couronne à Louis-Philippe d'Orléans, un royaliste modéré favorable à une monarchie constitutionnelle, populaire et soutenu par une grande partie de la classe politique. Il deviendra Louis-Philippe 1er, roi des Français - et non plus roi de France, son pouvoir émanant du peuple et non plus de l’absolutisme divin.
L’exil du dernier roi de France
Après son abdication, Charles X s’exile en Écosse à Holyrood, d’abord, puis à Prague, avant de finir sa vie à Görz, en Autriche - aujourd’hui à la frontière italo-slovène (Gorizia) - où il meurt du Choléra le 6 novembre 1836.
Les Trois Glorieuses : un impact au-delà des frontières
Dans le reste de l’Europe, la révolution de 1830 a un écho important, et déclenche une série de mouvements révolutionnaires, notamment en Belgique, en Pologne et en Italie, où les populations cherchent à se libérer des régimes absolutistes.
LA COLONNE DE LA BASTILLE : HOMMAGE AUX MORTS DE LA RÉVOLUTION DE JUILLET
En décembre 1830, Louis-Philippe décide d’ériger un monument sur la place de la Bastille pour commémorer et rendre hommage aux combattants la Révolution des Trois Glorieuses qui l’a porté au pouvoir les 27,28 & 29 juillet précédents.
Cet emplacement avait initialement été choisi par Napoléon 1er pour ériger une fontaine monumentale en forme d’éléphant. La première pierre du monument de Louis-Philippe, connu sous le nom de colonne de Juillet, est posée fin juillet 1831, à l’occasion du premier anniversaire de la Révolution.
Pour réaliser ce projet, on fait appel à l'ingénieur Alavoine, qui avait conçu l'éléphant de Napoléon. Afin de réduire les coûts, les fondations et structures basses de l'ancienne fontaine sont réutilisées pour supporter la nouvelle colonne.
Le 28 juillet 1840, le monument est inauguré au son d'une symphonie "funèbre et triomphale" composée par Hector Berlioz. Dans le même temps, les corps de 504 victimes de la Révolution de 1830 sont transférés dans une nécropole, sous la colonne. Leurs noms ont été gravés et dorés à la feuille d’or sur le fût, complétés par un poème de Victor Hugo.
La Colonne de Juillet en détails :
179 500 kg de bronze ont été nécessaires pour sa fabrication.
Elle se compose d'un piédestal cubique en bronze, décoré d'un lion et de quatre coqs sculptés par Barye, et surmonté d'un fût de 23 mètres.
À l'intérieur, un escalier en bronze de 200 marches, fermé au public, permet d'accéder au sommet, une véritable prouesse technique.
Au sommet trône le Génie ailé de la Bastille, une statue dorée de près de quatre mètres de haut réalisée par le sculpteur Auguste Dumont. Ce génie, avec son flambeau et sa chaîne brisée, symbolise la Liberté. Notez que cette Liberté est représentée par une figure masculine et non féminine, comme chez Delacroix. Pourquoi ? Simplement parce qu’une femme aurait plus particulièrement évoqué la République, alors qu’en 1830, c’est bien une monarchie qui est instaurée.
La colonne de la Bastille ou colonne de Juillet est aujourd’hui un monument commémoratif qui, dans la mémoire collective, fusionne le souvenir de la Révolution de 1830, qui a porté Louis-Philippe au pouvoir, mais aussi celui de la révolution de février 1848, qui signera son abdication et l’avènement de la IIe République, puis, plus récemment la mémoire de la Révolution française de 1789 avec la prise de la prison de la Bastille, ici, le 14 juillet.
LA MONARCHIE DE JUILLET : 1830-1848
Si, dans un premier temps, Louis-Philippe et son épouse, la future reine Marie-Amélie, refusent de monter sur le trône (ils craignent que le titre de roi ne leur soit fatal), la monarchie de Juillet est belle et bien instaurée le 9 août 1830.
Louis-Philippe 1er est moins traditionaliste que ses prédécesseurs (il était en faveur de la Révolution, comme son père, Philippe d’Orléans, surnommé Philippe Égalité après qu’il a voté en faveur de la mort du roi Louis XVI). Il prête ainsi serment à la Charte de 1830, une version révisée de la Charte constitutionnelle de 1814, qui renforce les pouvoirs du parlement et garantit les libertés fondamentales.
Roi des Français -et non roi de France-, il n’est plus sur le trône par la volonté de Dieu mais par celle du peuple. Il ne règne plus sur des sujets mais sur des citoyens, et le drapeau tricolore reprend sa fonction de drapeau national, en lieu et place du drapeau blanc des Bourbons qui avait été rétabli.
Sous son règne, la France connaît des réformes qui libéralisent le régime : la liberté de la presse est rétablie, le corps électoral est élargi (bien que toujours limité à une petite partie de la population), et une certaine stabilité économique est maintenue.
Mais la Monarchie de Juillet est aussi marquée par la corruption, l'absence de véritable démocratie, et les inégalités sociales, croissantes, qui mènent à de nombreuses tensions. Et bien que Louis-Philippe ait cherché à être un "roi citoyen" proche du peuple –en réalité surtout de la bourgeoisie-, son règne sera critiqué pour sa résistance aux réformes démocratiques et sociales.
Ce régime monarchique constitutionnel, qui est né d’un compromis, ne satisfait en réalité ni les légitimistes (partisans d’une monarchie d’ancien régime et du retour d’un Bourbon sur le trône, en l’occurrence Henri V, le comte de Chambord, fils du duc de Berry et petit fils de Charles X), ni les républicains.
Le pouvoir de Louis-Philippe sera souvent controversé et de nombreux attentats auront lieu contre lui ou sa famille (on parle d’un attentat par année de règne !) … jusqu’à la Révolution de février 1848 qui, poussée par une crise économique (mauvaises récoltes, surproduction industrielle, baisse du pouvoir d’achat) et politique (le pouvoir devient de plus en plus autoritaire), renverse la monarque et instaure la IIe République (1848-1852).
Louis-Philippe abdique et s’exile avec sa famille en Angleterre où il meurt le 26 août 1850. En France, en décembre 1848, le premier président de la République française est élu: il s’agit de Louis-Napoléon Bonaparte (1808-1873), neveu de Napoléon 1er. Un Prince-Président qui restaurera l’empire après un coup d’état en décembre 1851 et un plébiscite en décembre 1852: ce sera le Second Empire (1852-70).
Le Second Empire durera jusqu’à la guerre franco-prussienne de 1870, laissant définitivement place au régime républicain en France avec la IIIe République.
Point culture : Louis-Philippe et les Galeries de l’Histoire au château de Versailles.
Si, comme Napoléon 1er, Louis XVIII et Charles X, Louis-Philippe ne réintègrera pas le château de Versailles, palais royal emblématique de l’ancien régime, à l’image de l’empereur, il prendra régulièrement ses quartiers grand Trianon de Versailles. Il fera ainsi aménager un appartement et des pièces pour lui et sa famille (que l’on peut explorer en visite guidée – renseignements sur le site du château de Versailles).
Mais Louis-Philippe n’en laissera pas tomber pour autant le célèbre château de Louis XIV. En 1833, il fait en effet appel à l’architecte Frédéric Nepveu pour y mener de grands travaux et y créer un grand musée de l’histoire de France : peintures, sculptures, gravures ou dessins réalisés par les principaux artistes de l’époque, doivent illustrer les plus grands personnages et événements de l’histoire française des origines au 19e siècle.
Point d’orgue de ces galeries historiques dédiées “À toutes les gloires de la France“, comme l’indique les lettres gravées sur la façade du château, la Galerie des Batailles impressionne encore par ses volumes comme ses peintures surdimensionnées des grandes batailles françaises.
Le musée est inauguré en 1837. Selon la volonté du roi, il doit permettre de réconcilier les Français autour de l’histoire nationale, et ainsi légitimer le pouvoir rassembleur du nouveau souverain.
La chute de Louis-Philippe en 1848 interrompra les travaux… heureusement pour nous, dans un sens, car nous ne pourrions certainement plus explorer le palais de Louis XIV avec ses grands appartements royaux et autres pièces témoins de l’ancien régime. En effet, pour bâtir son musée, Louis-Philippe avait détruit une grande partie des appartements princiers et des logements des courtisans, mais pas encore toutes les pièces royales.
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