Suivez-moi aujourd’hui dans la célèbre cathédrale de Chartres, en Eure-et-Loir, l’une des plus belles cathédrales de France (si ce n’est la plus belle!) qui en a inspiré d’autres très prestigieuses comme celles de Reims et d’Amiens.
Un monument majestueux et encore mystérieux qui, du haut de ses 800 ans d’Histoire, a gardé de ses bases romanes la force et la puissance des volumes, et de son architecture gothique toute la verticalité et la finesse des grands monuments religieux du 12e et 13e siècles.
La cathédrale de Chartres rescelle de bien des trésors. Mais il en est un en particulier qui fait sa renommée, c’est le bleu: ce bleu si singulier qui compose nombre de ses vitraux et qu’on appelle tout naturellement le ‘Bleu de Chartres’.
Si on l’associe à Chartres, ce bleu ‘roman’ est pourtant né dans la première moitié du 12e siècle pendant la construction de la basilique Saint-Denis près de Paris. Utilisé ensuite pour les vitraux de la cathédrale de Chartres, ce bleu se retrouvera aussi dans d’autres édifices comme la cathédrale du Mans.
Mais alors pourquoi parle-t-on de ‘Bleu de Chartres’?
En réalité, il n’y a plus qu’ici qu’on peut observer une si grande collection de vitraux originaux du 12e siècle de cette couleur. Ceux de Chartres ont en effet été démontés et cachés pendant les dernières guerres, là où ils ont été quasiment tous détruits ailleurs. Et si à Saint-Denis, on trouve encore une verrière plus ancienne que les vitraux chartrains avec ce bleu, il en existe encore 4 intactes à Chartres.
Sur la façade ouest, la verrière de ‘l’arbre de Jessé’ qui représente la généalogie du Christ en est un 1er témoin.
Mais dans le déambulatoire, côté sud, ‘Notre-Dame de la Belle Verrière’, appelée aussi ‘la Joconde des vitraux’, en est l’exemple le plus éblouissant. Elle fait partie d’un ensemble de 3 vitraux :
Le vitrail de droite représente l’histoire de la Sainte-Vierge,
La petite rose au centre et au-dessus renferme une Vierge allaitant, ce qui est assez rare au 13e siècle,
Le vitrail de gauche, qui nous intéresse ici, représente des scènes de la vie de Marie et du Christ, au-dessus desquelles trône la Vierge portée par des anges. C’est cette partie dédiée à la Vierge, appelée ‘Notre-Dame de la Belle Verrière’, qui est particulièrement remarquable. Elle date en effet du 12e siècle et était à l’origine dans le chœur de la cathédrale romane qui a subi un incendie en 1194. Ces vitraux ont été sauvés et réintégrés à la nouvelle cathédrale gothique dans une nouvelle verrière plus grande que l’on voit ici. En regardant bien, on voit effectivement la différence de tonalité de bleu entre les vitraux romans et gothiques. Car il faut savoir que le bleu de Chartres a évolué au cours des siècles. Pourquoi? Tout réside dans l’évolution de sa composition.
De quoi est fait le ‘Bleu de Chartres’?
Au 12e siècle, le verre bleu était fabriqué à partir de cobalt, d’un fondant sodique (sodium), d’un opacifiant (l’antimoine), de cuivre et de fer. Ce mélange rendait ce bleu résistant, plus que les verts et rouges, ce qui explique aussi sa préservation jusqu’à nous. Mais avec l’avènement du style gothique, qui laisse place à de plus grands vitraux, le bleu est devenu cher à réaliser. Au 13e siècle, on va ainsi remplacer le fondant sodique par un fondant potassique (potassium) qui n’est autre que de la cendre -ici de la cendre de hêtre- moins onéreuse, et le cobalt par du manganèse, là-aussi moins coûteux. Cette nouvelle composition va légèrement foncer la teinte du bleu, ce qui explique qu’on peut distinguer le bleu de Chartres ‘roman’ (12e) plus clair, et le bleu ‘gothique’ (13e) plus sombre.
Pour finir, sachez qu’on parle de ‘Bleu de Chartres’, mais le sel de cobalt utilisé dans sa composition au 12e siècle ne se trouvait pas en France. Il venait alors d’Orient, près des frontières russes… bien loin d’Eure-et-Loir!
Si vous le pouvez, visitez la Cathédrale de Chartres! Vous pourrez admirer les magnifiques vitraux et les rosaces grandioses avec leur célèbre ‘Bleu de Chartres’.
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